VENDREDI 08
Réveil tardif. Petit déjeuner en guise de repas frugal et après-midi entre flemme et highlights sur
nba.com. Les Suns ont battu les Nets 161-157 ! Qu’est-ce que c’est que ce score de malades ? J’ai du mal à y croire.
Après une série de coups de fil et quelques péripéties qui ne méritent pas de figurer ici je me retrouve dans une voiture accompagné de deux « connaissances » (désolé, mais c’est le seul mot qui semble convenir), en route pour les
Transmusicales, les vraies, car il y aurait un groupe à voir dès 21h ! J’ai même dû avaler précipitamment mon verre de rhum à l’apéro. Bien, je vais peut-être enfin pouvoir vous parler de musique.
Avant cela il faudra quand même se taper la route, entre ronds-points, forces de l’ordre et déviations vers les rave organisée par la préfecture (je me pose la question : est-ce qu’une douzaine d’années auparavant j’aurais été tenté par un week-end à patauger dans 30 cm de boue pour de la techno immonde et quelques cachetons ? [indice : ne jamais sous-estimer sa propre connerie juvénile])
De loin, le Parc des Expositions est à peu près aussi accueillant que les entrepôts du port de commerce à Brest (n’insistez pas, je ne vous ferai pas visiter), mais il faut admettre que les choses s’arrangent une fois à l’intérieur du Hall 5, sorte de buvette géante avec tapis au sol et lustres au plafond.
La priorité n°1 est bien entendu de se procurer les tickets de boisson avant que la foule ne se fasse plus compacte, ce qui est loin d’être le cas à cette heure où le festival ressemble plus à un Salon des Arts Ménagers en mal de visiteurs qu’à un rendez-vous rock n’roll de renommée mondiale. Peu importe, maintenant que j’ai un gobelet à la main je peux accompagner mes petits camarades à la découverte des 3 halls de concerts. (NdA : information « officielle » sur les groupes que je vais citer dans les paragraphes qui suivent :
lestrans.com)
Hall 4, une chanson et demie de
Orville Brody and Goodfellas, une bande de cowboys avec une dégaine et une musique tout droit sorties d’un épisode de « Walker : Texas Ranger » (j’apprendrai plus tard qu’ils sont en fait de Rennes : quelle arnaque). Vite, vite, il est 21h, c’est l’heure d’aller écouter
Klaxons, la « dernière sensation britannique » (à propos, combien de « sensations » les anglais nous sortent-ils par an ? 50 ? 100 ? 365 ?) dans le hall 9.
Fausse alerte, car voilà que surgit sur scène un adolescent à casquette équipé d’un micro et qui fait des bruits marrants avec sa bouche : c’est
Ezra, la « human beatbox » ! Je consulte le programme officiel pour constater que 1) il est en retard et que 2) « Avec sa bouche, il fait des prouesses » mais aussi qu’il s’apprête à nous « dévoiler ses compositions à la musicalité étourdissante ». D’accord, mais passées les trente premières secondes de surprise (« oh, on dirait une boîte à rythme ! Et il fait des bruits de scratch ! ») on se croirait plutôt devant une rediffusion d’
Incroyable Mais Vrai avec Jacques Martin. « Boum ! Tchak ! Boum Boum Tchak ! »
Je retourne au hall 5 me faire servir une pinte de bière blonde hollandaise. A mon retour, horreur, le phénomène de foire est toujours là, et ça devient franchement embarrassant. A souffler dans la mousse de mon gobelet pour faire des bulles je me demande si je ne pourrais pas moi aussi monter sur scène.
Au fond le seul point positif de cette « exhibition » c’est que si vous avez un talent caché, par exemple si vous imitez à la perfection certains cris d’animaux, vous pouvez toujours tenter votre chance en envoyant une cassette aux organisateurs des Trans. On ne sait jamais, ils vous octroieront peut-être le droit à 20 minutes d’humiliation publique lors de l’édition 2007.
Vous vous souvenez qu’il a fallu écourter l’apéro parce qu’il fallait absolument voir
Klaxons ? Et bien, c’est une décision qui ne se justifiait pas vraiment. Ces quatre anglais très mal habillés (le bassiste ne quittera pas son sweat à capuche, il a sans doute peur qu’on le reconnaisse dans la rue) jouent en effet une sorte de dance-rock brouillon et inarticulé qui confine à l’inaudible lorsque le chanteur se met à scander des « Dance with me ! » avec une voix de fausset. Où sont mes bouchons d’oreille ?
Justement, il y a une hôtesse qui en distribue dans le passage humide et sombre qui mène au hall 4, là où se produisent désormais
The Bishops, autre groupe anglais, mais cette fois avec de l’allure. Avec leurs costumes noirs, leurs riffs et les chansons bien troussées, il font penser à… à qui, d’ailleurs ? « Elvis Costello et autres Paul Weller des débuts ». Merci le programme officiel, j’étais en panne d’inspiration.
Ils jouent aussi très fort, alors j’insère les bouchons dans mes conduits histoire de sauver le peu d’ouïe qui me reste après avoir passé ma jeunesse à écouter Metallica à fond dans le walkman. C’est peut-être pour ça que je n’entends pas mes nouveaux amis me prévenir qu’ils vont se promener ailleurs.
Je me retrouve donc seul avec ma bière et mon agoraphobie. Qu’à cela ne tienne, j’imagine que la première peut guérir la seconde. Et puis ce quart d’heure supplémentaire me permet de me rendre compte que non seulement les
Bishops sont de vrais jumeaux mais qu’en plus ils ont déjà écrit dans leur courte carrière plus de morceaux valables que les jumeaux d’Indochine en 25 ans. (oui, je sais, il y en a un qui est mort, mais c’est pas une excuse)
Vous ne voulez probablement rien savoir de mon passage aux toilettes (pas aussi crades que vous l’imaginez) ni d’une énième visite à la buvette (qui connaît un certain succès), c’est pourquoi je vous transporte directement au milieu de la fosse pour le concert d’
Albert Hammond Jr, le guitariste des Strokes. Vous savez, celui qui est coiffé comme Bob Dylan période
Blonde on Blonde et qui a un air hébété sur toutes les photos. 3 guitaristes sur scène, un chant correct, un rock paisible et des compositions bateau mais pourtant je suis en train de passer un excellent moment. Au point de taper frénétiquement dans mes mains entre les morceaux (mais quand même pas de crier « Albert, t’es trop cool !! ») et de regretter que le concert s’achève aussi rapidement (j’avais raté le début, parce qu’ils se mettent à démarrer à l’heure, maintenant). Il semblerait donc que la qualité des concerts s’améliore au fur et à mesure que la soirée avance. A moins que ce ne soit lié à ma consommation d’Heineken ?
Je quitte le hall 9 à la recherche d’amis potentiels tout en dévisageant la faune qui défile avec des yeux brillants. Mais d’où sortent toutes ces filles ? Elles sont partout autour de moi. Tenaillé par un besoin pressant de me faire servir une nouvelle pinte (oh non, il va falloir refaire la queue pour les tickets…), j’ai tout à coup le sentiment d’être comme un gamin dans un magasin de bonbons : y a-t-il dans la salle une seule fille en-dessous de 25 ans qui n’ait pas l’air absolument délicieuse ? Force est de constater que non.
Cinq minutes de récupération sous les palmiers près de la buvette et je me laisse à nouveau guider par le bruit, cette fois dans le hall 3 où j’ai la chance d’assister aux dernières minutes
apocalyptiques et ultra-noisy de
Serena Maneesh, groupe norvégien qui fait peur (mais pas autant que leurs compatriotes black-metal de Burzum, Immortal ou Dimmu Borgir). J’aurais aimé en voir plus mais au lieu de ça je transite vers un nouveau hall, bouscule approximativement 50 personnes et récupère de nouveaux bouchons d’oreille (ces trucs-là s’usent vite) qui s’avéreront plus que nécessaire pour supporter dix minutes de la prestation de
Son Of Dave.
Réaction immédiate en voyant ce Canadien à chapeau assis sur une chaise tout seul au milieu de la scène : « Oh, non, après
Ezra, encore un numéro de cirque ! Pitié… » Ici le concept est un poil plus élaboré, pas de bruits avec la bouche mais un harmonica, une grosse boîte à rythmes et des bandes qu’il fait partir avec une pédale. Mais ça ne ressemble toujours pas à un concert. Avis à tous les « hommes-orchestres » : vous me gonflez !
En plus je sens que ce gimmick à l’harmonica qu’il a joué de bout en bout va me rester dans la tête pour les 15 jours à venir.
Ça y est, j’ai atteint le stade de la soirée où toute trace d’enthousiasme a disparu. Je dois enclencher le pilote automatique.
S’asseoir dans les gradins du hall 9 pourrait être une option si je n’étais pas un enfant de la génération Furiani. Je peux encore entendre Thierry Roland annoncer à l’antenne qu’un morceau de tribune s’est effondré sur de malheureux spectateurs corses. Je n’ai aucune envie de finir comme ça, merci.
C’est donc debout (et contraint au régime sec) que je dois subir le concert de
Cassius, groupe français qu’il n’est « nul besoin de présenter » d’après la propagande des Trans mais que pour les béotiens je résumerai à un duo électro tentant le passage à une musique plus organique impliquant « vrais instruments » et « vrais concerts ».
Pari réussi en ce qui concerne la curiosité du public avec une salle pleine, mais hélas l’étape « on écrit des chansons valables » n’est toujours pas à l’ordre du jour : ces mecs craignent.
Fort heureusement de là où je suis je peux apprécier pleinement le jeu de scène d’une choriste court-vêtue, la seule à faire illusion dans le lot. En me concentrant uniquement sur ses déhanchements en rythme, j’arrive à oublier pour un moment la bouillie à base de big-beats putassiers servie par le reste du groupe. Quant au « chant » censé faire son apparition dans leur répertoire, il est toujours porté disparu : je n’ai entendu que des gloussements.
Je m’enfuis donc au plus vite. C’était pourtant couru d’avance qu’il ne fallait pas compter sur un duo de quarantenaires dont l’un des membres se fait appeler « Boombass » (!) et qui intitule son dernier single « Toop Toop » (re-!). Et puis d’ailleurs, en live ça sonnait plutôt comme une ode à la Sncf (Tchou tchou !)
Si l’on veut bien admettre que les amis des amis de mes amis sont mes amis, alors je suis tout à coup entouré de plein d’amis près de la méga-buvette sponsorisée du hall 4.
On boit un coup et on échange ses impressions, quelqu’un fait circuler un programme et on donne des notes aux différentes prestations du soir, tant pis si je n’écris plus très droit. Je mets 16 au guitariste des Strokes, 2 à
Ezra parce que son sketch n’a pas dépassé les vingt minutes (plus et c’était -12) et 6 à
Cassius, mais uniquement à cause de la choriste. Certains leur ont attribué des 12 et des 14, comme quoi de tous mes amis je suis le seul à avoir bon goût.
« Hé, jolie casquette ! ». Ça y est, on me taquine. Je m’y attendais un peu depuis que je me trimballe avec cette casquette bleue marine, très sobre, gagnée de haute lutte au stand Sony Ericsson. De toute évidence le gros lot de la soirée, tous ceux qui sont repartis avec une housse de portable peuvent en témoigner.
Un dernier sursaut de lucidité : et si on allait voir un autre concert ? Pourquoi pas
The Books, au hall 4, c’est juste de l’autre côté du rideau ?
C’est aussi mortellement ennuyeux, et spécialement à cette heure où seule l’intégrale des Village People pourrait encore faire bouger une salle. Des synthés, des samples, et un écran vidéo dans le fond avec des fourmis en gros plan et des mots qui défilent de plus en plus vite. Marrant cinq minutes pas plus, surtout si vous n’avez pas le courage de chercher le message caché derrière Time-Chair-Star-Elevator-Colour-Mind-Personality-Flag-Beautiful-etc.
La navette pour rentrer à Rennes. Un type à l’avant du bus parle anglais, très fort. Alors moi aussi je parle, je parle. Mille excuses à mon voisin.
Il faut descendre, maintenant. Mon Dieu, l’appartement est au moins à 200 bornes. Je ne vais jamais y arriver.