31 mai 2007

Sunday 04/29: Last day

OK, finissons-en. Je quitte New York cet après-midi et je n'ai ni le temps ni l'envie d'essayer d'être spirituel. Soyez heureux, ça va aller très vite.

Comment j'ai occupé mes dernières heures américaines

Levé 9 heures. Déjeuné en vitesse et balancé mes affaires dans ma valise. Cherché partout mon carnet de notes (merci A. Sans toi mes lecteurs n'auraient pas eu droit à tous ces détails si pittoresques). Pris mon sac et parti en balade. A chaque carrefour, chaque nouvelle avenue, pris le temps de penser « P..., c'est la dernière fois que je passe ici! » Photographié chaque building, chaque coin de rue. Crevé de rage en croisant tous ces touristes guillerets sur la 5ème avenue. Traversé Lexington avenue envahie par une marche de jeunes lycéens presque tous blacks sans avoir aucune idée de pourquoi ils se promenaient là. Marché enfin jusqu'à l'ONU pour ne pas être impressionné du tout. Jeté un oeil sur les limousines devant le Waldorf Astoria. Poursuivi jusqu'au Radio City Music Hall avec une idée précise en tête. Demandé au portier black qui louchait si je pouvais entrer pour suivre le deuxième jour de la NFL Draft. Fait mon entrée dans la salle avec la chair de poule. Reconnu Mel Kiper, le draftnik d'espn, avant de remonter dans la mezzanine au milieu des fans obèses portant les maillots de leurs équipes favorites. Ecouté des tubes rock des années 80 entre les choix des équipes. Me suis interrogé sur le fait de savoir si j'étais oui ou non au paradis avant de me souvenir que je partais trois heures plus tard. Acheté une casquette souvenir dans le hall avant de partir le coeur lourd. Passé devant des dizaines de flics en train de se mettre en place pour une parade sur la 5ème avenue. Mangé un sandwich et bu un café dans le hall kitchissime de la Trump Tower. Essayé de toutes mes forces de ne pas penser au fait que les vacances étaient terminées, et New York avec. Sans succès. Traîné des pieds en direction de l'appartement de la 63ème rue. Été abordé par deux adolescentes qui voulaient que je prenne leur photo sur Park Avenue (« Where are you from? - France. - Cool! » Mangé un gâteau au chocolat. Repris la voiture avec la petite famille direction JFK. Subi les embouteillages. Enregistré mes bagages. Remercié A. et D. et embarqué avec le petit T. (c'était prévu de longue date, rassurez-vous) Monté dans le même vieux Boeing qu'à l'aller et vu un film avec Drew Barrymore (encore!). Atterri à Roissy jet-lagué à mort et pris ma correspondance pour Brest.

New York est bel et bien derrière moi.
Je vous remercie de votre attention.

Day 8, Saturday 04/28: Tout le monde à la plage

Reprenons nos esprits

10:30 AM. « Hi! » J'ouvre un oeil. C'est A. qui vient aux nouvelles. Elles ne sont pas bonnes. Encore pires quand j'ouvre le deuxième oeil. Et pourquoi y a-t-il autant de lumière dans la pièce, par pitié...
Tentative de petit déjeuner. Du jus d'orange pour moi, please. Un tout petit peu.
« Alors, vous avez fait quoi hier soir? » Euh, let me think...
D. n'a pas l'air spécialement frais lui non plus, mais peut-être qu'à deux on va réussir à produire un récit cohérent. Quelque chose qui pourrait ressembler à ça:
On arrive au 38ème étage, d'abord pour constater qu'il y a une party en cours, ensuite pour s'apercevoir que des filets de protection bouchent quelque peu la vue des fenêtres. Tant pis, on va se mettre discrètement dans un coin pour essayer d'apercevoir quelque chose. Nous croyons ne pas nous être fait remarquer, mais une nana passablement drunk débarque sans prévenir et nous aborde avec cette question: « Are you French? » puis se met à pousser des petits cris d'excitation en apprenant que nous sommes tous les deux Bretons (because elle l'est aussi). « Comment elle s'appelait ? » C'est une excellente question. Je mobilise les trois neurones qui me restent: Peutrishiah!
Une fois calmée, elle nous présente à un copain gay de Toronto, Emanuel, puis, sans doute parce que nous sommes tellement sympas, nous paye à boire à la cuisine. Au moment où je mets le nez dans le verre de gin-tonic (avec much more gin que de tonic), je prends conscience que la soirée va mal se terminer. Ensuite, ça devient très flou. La fille finit par nous avouer que c'est parce qu'elle a cru que nous étions gay qu'elle est venue nous trouver: elle cherchait un boyfriend pour Emanuel. Au début je ne sais pas trop comment réagir, mais au fond c'est plutôt flatteur: le cliché sur les gays, c'est qu'ils sont minces, cute et élégants, non?
Quelques verres plus tard j'aurais l'occasion de me ridiculiser à plusieurs reprises en parlant anglais (je viens de comprendre pourquoi je « réfléchissais » à moitié in english ce matin...) avec d'autres guests légèrement amochés. Des conversations dont je ne garde fort heureusement que peu de souvenirs.
En guise de conclusion à la soirée je me revois malade et frigorifié en train de boire du vin en bas du building. Mais pas moyen de me souvenir comment nous sommes rentrés. Ah oui, c'est vrai: en ascenseur.

Highway star

11:30 AM. Malgré ou à cause des circonstances, nous fonçons déjà sur une autoroute du Queens dans une voiture de location (une Mazda rouge). Les choses n'ont pas traîné depuis le réveil. D. au volant, T. dans son siège à l'arrière avec A. qui joue le rôle du copilote. Moi? Je suis le passager encombrant.
Ceci signifie que la journée ne sera pas perdue, finalement. Avec une cuite pareille dans le rétro, c'est ce qu'on aurait pu craindre.
Ne me demandez rien sur le paysage pour le moment, il ne faudrait tout de même pas pousser. J'essaie de regarder droit devant. Et puis, honnêtement, il n'y a que des maisons, à perte de vue.
Au bout d'une heure de route, alors que nous avons fini par quitter New York, A. décide qu'il faut que l'on s'arrête quelque part pour manger. Manger? Quelle drôle d'idée...

West Islip, Long Island. Population: plein, vu le nombre d'habitations qui défilent. Intérêt touristique: zéro. Le long de Main Street, sur des kilomètres et des kilomètres, ces maisons que vous avez vues dans des dizaines de films et autant de séries US. Un hôpital, une église, une station-service, mais pas d'endroit pour manger. Il va falloir faire demi-tour, à moins que... Hé, là, un « Stuff-A-Bagel »: en avant pour la grande bouffe.
Petit miracle, je réussis à avaler la moitié de mon bagel au thon. Lentement, très lentement. Au moment de remonter dans la voiture, je me demande quand même si je ne vais pas le regretter.

Quelques kilomètres vers le sud, et voici la mer! Bon, d'accord, il y a aussi la mer à Manhattan, mais après une semaine de buildings, ça fait quand même un drôle d'effet d'arriver sur cette immense (50 kms) langue de sable qu'est Fire Island. Je crois que j'avais perdu l'habitude de voir l'horizon.

A la recherche du bon parking pour la bonne plage, je mets la radio pour avoir des nouvelles de la draft NFL (faut-il vraiment que je vous explique ce que c'est? Oh et puis zut, renseignez-vous) qui, c'est ironique, se déroule justement à New York City. Quoi, c'est au tour de Miami de choisir et Brady Quinn est toujours disponible? Les analystes sont tous d'accord, c'est un no-brainer, un done deal, les Dolphins vont le prendre. Ça me semble évident à moi aussi, ils ont tellement besoin d'un jeune quarterback prometteur pour relancer la franchise (rappelez-vous que ce ne n'est pas par hasard que ce blog vous a donné des pronostics NFL plus précis que ceux de 90% des spécialistes d'espn l'automne dernier...) Chut, écoutons le commissionnaire annoncer le choix: « With the ninth pick, the Miami Dolphins select... Ted Ginn » What? Ted Ginn? Un retourneur de coups de pieds? Je ne peux pas retenir un « Nooo! » retentissant, à la surprise de mes convoyeurs qui me demandent ce que j'ai. Non, rien, c'est juste qu'avec tout ce temps gaspillé sur Internet et Madden, je suis devenu très sensible à ces équipes qui font n'importe quoi à la draft. On ferait mieux de couper cette radio.

Gueule de bois à Fire Island

Même au bord de la mer, on ne peut pas se tromper: nous sommes aux Etats Unis d'Amérique. Le parking, la plage, les vagues: tout est immense.
Il fait un peu frisquet dans le vent, mais j'arrive encore à lancer le frisbee correctement. Cependant, au bout de 10 minutes, je ne me sens plus très bien. Vite, aller s'asseoir et combattre ces relents de gin. Je ferme les yeux, espérant tout oublier, mais je me souviens de ce type, hier soir, qui voulait à tout prix nous emmener dans une boîte marocaine, « Le souk ». Oh my god, quand je repense tous ces gens avec qui j'ai baragouiné en anglais...
Tant bien que mal je parviens à me lever sans rendre mon demi-bagel. C'est l'heure de la vraie promenade jusqu'au Fire Island Firehouse, le phare noir et blanc à l'extrémité ouest de l'île. Deux déceptions: d'abord sur le chemin, avec la disparition des daims censés gambader autour de nous. Et puis à l'arrivée en apprenant que l'on ne peut pas escalader le phare pour profiter de la vue.
Pas si grave, une longue marche tranquille ne peut pas faire de mal. Et puis je respire en pensant à ce à quoi j'ai échappé aujourd'hui: arpenter Manhattan, ses trottoirs bondés et ses stations de métro. Je n'aurais sans doute pas survécu.

Freeport

Fin d'après-midi (désolé de ne pas être plus précis, mais j'ai perdu la notion du temps). De longues lignes droites dans Long Island pour arriver à Freeport, riante bourgade qui, comme son nom l'indique, est dotée d'un joli port de plaisance. (Hé, vous saviez que Lou Reed avait passé toute son enfance à Freeport? Moi non plus. Ce dont je suis sûr, par contre, c'est que ce n'est pas ici qu'il a puisé son inspiration pour écrire « Berlin » ou « Metal Machine Music »)

A la recherche d'un endroit pour boire un coup sur le Nautical Mile (enfilade de bars et restaus), nous optons pour le pub des péquenots du coin, pas très classe certes mais qui donne la possibilité de s’installer en terrasse au bord de l’eau. Oups, oubliez le « pas très classe » et pensez plutôt « pas classe du tout » : des dizaines de soutifs sont accrochés au-dessus du bar. Je serais curieux de voir à quoi ressemblent les soirées à thème...
Coors light et nachos au fromage : ça n’a peut-être pas l’air appétissant, mais cet apéro me redonnerait presque goût à la vie.
Pas tout à fait quand même : j’ai du mal à finir mon poisson dans le restaurant un peu plus loin. C’est D. qui régale pour son anniversaire, et je ne suis même pas foutu de prendre un dessert. Vraiment pas mon style, et surtout extrêmement embarrassant.

9 PM, j’admire les grands palmiers en plastique garnis d’ampoules vertes qui décorent la terrasse du restau et je dis adieu à l'Amérique profonde (enfin, à celle qui n'est pas Manhattan). Elle est exactement comme je l'avais imaginée. Je ne suis donc pas déçu.


10 PM, les lumières des buildings sont proches. SMS pour D. Il me tend l'appareil: « Thanks for the wine. Feeling a little rough today, though. Nice meeting you. » Signé Emanuel, notre nouvel ami homosexuel originaire de Toronto. J'adore New York.

29 mai 2007

Day 7, Friday 04/27 : la journée de la Culture

Trouver un abri


Une des merveilles de l’Amérique, parmi d’autres : la qualité des prévisions météo. Depuis le début de la semaine, ils nous annonçaient la pluie pour ce vendredi, et ils avaient raison. Foutrement raison.
Alors voyons voir, que dit mon planning à propos des jours de pluie ? Les musées ? Soit. J’imagine que je n’ai plus qu’à emprunter un parapluie et à me jeter à l’eau.


9:30AM. Eviter les collisions de parapluie demande une vigilance de tous les instants au milieu des New Yorkais encore plus pressés que d’habitude. Une jeune femme ravissante me demande si nous sommes sur la 54ème rue. Mais avec cette pluie, je n’ai pas vraiment fait attention aux panneaux : « I’m not sure, sorry ». Elle repart en souriant. Un bloc plus loin je constate c’était bien la 54ème. La honte.

La pluie ne faiblissant pas, je me réfugie à St Patrick. 2 dollars pour allumer une bougie, c’est cadeau quand on sait que le voyage retour est encore à venir. Autant mettre toutes les chances de son côté.
Je me promène ensuite autour de la nef, à la recherche d’une spécificité américaine dans cette cathédrale fortement inspirée des nôtres. Elle pend au-dessus de ma tête, sous la forme du drapeau américain faisant face à celui du Vatican. On ne verrait pas ça ailleurs...

Attention chef d'oeuvre


10:15AM. Que font les touristes à New York quand il tombe des cordes ? La même chose que moi. Ils font la queue pour le MoMA (Museum of Modern Art). Et à quoi pensent-ils les pieds mouillés sous leurs parapluies ? Toujours à la même chose que moi : « Ça a intérêt à être bien… »
Je ne voudrais pour rien au monde rentrer au pays et passer pour un plouc en répondant « Non » à la question: « Alors, t'es allé au MoMA? », mais honnêtement, à sentir l'eau se mettre à ruisseler sur ma nuque, j'ai des doutes. Je crains de ne pas m'y connaître suffisamment en peinture pour apprécier les oeuvres exposées. Je crains surtout de ne pas être assez snob. Car au fond, la vraie raison de ma présence dans cette file d'attente humide, l'origine profonde de ma motivation, c'est que j'espère découvrir à quel moment l'art a cessé d'être de l'art, pour devenir du foutage de gueule.

La réponse? Probablement quelque part dans une salle du 3ème étage (ou 4th floor, ils commencent à compter au rez-de-chaussée...), alors que je suis à deux doigts de poser le pied sur une surface carrée faite de pavés noirs. L'avertissement fuse immédiatement de la bouche du black qui fait le planton à l'entrée de la pièce: « Watch your step sir ! » Oups, j'ai failli laisser l'empreinte de ma semelle sur un chef d'oeuvre... Quand je pense que j'ai de vieux pavés auto-bloquants qui moisissent au fond de mon jardin.
Quoiqu'il en soit, si ce truc est exposé là et et que l'on paye quelqu'un pour empêcher les touristes nonchalants de marcher dessus, j'imagine que c'est de l'Art, et qu'il n'y a pas à discuter. D'autant plus qu'ici l'Artiste s'est donné au moins le mal d'assembler ces pièces. Pas comme celui qui s'est contenté de coller verticalement un néon rose dans un coin. Un type vraiment plus malin que la moyenne, celui-là.

Bon, cessons de jouer les philistins (vous chercherez dans le dictionnaire), il est temps de vous donner envie de visiter cette « institution culturelle parmi les plus prestigieuses du monde » en passant en revue ses 6 étages. Vite fait.
6th floor: exposition temporaire, en ce moment des photos de Jeff Wall. Immenses, trois mètres sur deux. Sans intérêt, hormis « The destroyed room », et uniquement parce qu'elle a servi de pochette à un album de Sonic Youth.
5th floor: le plus intéressant, haut la main. Van Gogh, Picasso, Munch, Klimt (mon préféré), et des tas de types dont vous avez forcément entendu parler sans savoir quelles merveilles ils ont bien pu peindre. Les 20 dollars de droit d'entrée étaient finalement justifiés.
4th floor: les choses se gâtent. Mais parlons plutôt des choses que j'aime. J'aime bien Pollock, parce qu'à voir l'évolution de son oeuvre, on comprend qu'à moment donné il s'est dit « Rien à foutre! Désormais je vais faire n'importe quoi, des gribouillis immondes de 5 mètres sur 2, et vous allez trouver ça génial, bande de couillons! ». Bien vu. J'aime bien Dali, mais ses toiles sont minuscules. J'aime enfin Warhol, parce qu'il a osé les boîtes de soupe Campbell's. Sinon, vous l'avez compris, ne touchez à rien, c'est peut-être un chef d'oeuvre inestimable, et surtout: « Watch your step! »
3rd floor: des aspirateurs, des téléphones, un iMac et des chaises, beaucoup de chaises, dans la salle du design. Ça n'a pas l'air dit comme ça, mais c'est vraiment sympa. Une sorte d'étagère encastrable en forme de nuage attire mon attention: elle est signée Ronan Bouroullec! J'aurais tout aussi bien pu aller à l'école avec un gars qui s'appelle comme ça! Et il expose au MoMA... Une grande leçon, parce qu'avec un nom pareil, c'est tout juste si on n'est pas prédestiné à bosser à la Chambre d'Agriculture de St-Pol-de-Léon.
2nd floor: la galerie media, ou comment occuper cinq minutes en regardant un écran video sur lequel des canards passent sporadiquement au bord des vagues sur un morceau de plage inconnue. Vous m'excuserez si je préfère la cafet.
1st floor: l'entrée. Ou la sortie. Vers laquelle je me dirige. Euh, attendez une minute, j’ai oublié de vous parler de plein de trucs… A commencer par le jardin des sculptures, mais là c’est normal, il n’est pas ouvert à cause du temps pourri. Il y a aussi l’architecture claire et spacieuse, mise en valeur par le lobby et sa fresque murale post-moderne (des petits dessins moches censés exprimer le désarroi de nos sociétés occidentales) visible de tous les étages. Et puis enfin je n’ai pas évoqué les touristes. Très nombreux (je le répète, il pleut). Aux trois quarts Italiens. C’est trop ? Disons à 50%, alors. Et comportant une proportion presque affolante de jolies filles. Ce qui était fort appréciable, spécialement dans certaines salles remplies d’horreurs contemporaines…

Coulez-moi ça

1PM. Je visite ma dernière curiosité de Lower Manhattan : South Street Seaport, quartier portuaire avec ses bâtiments transformés en galeries et magasins, ses vieux bateaux et son Pier 17, quai aménagé en centre commercial.
Vous vous souvenez d’hier quand, absolument seul au sommet de Fort Tryon Park, j’avais cru toucher le fond ? Et bien, c’est presque pire, ici. Premièrement, je refuse de mettre les pieds dans la galerie marchande, qui ne semble occupée que par des morveux de 14 ans en voyage scolaire. Deuxièmement, le bout du quai, désert sous le crachin, est terriblement glauque. Tout du moins peut-on y prendre des photos intéressantes du Brooklyn Bridge. Enfin troisièmement, je suis allergique aux vieux gréements. Ne prenez pas le risque d’évoquer en ma présence la calamiteuse « Fête maritime internationale » brestoise (Brest 92, 96, 2000, etc.) si vous voulez que je garde mon calme.
Des Japonais en costards grimpent dans le Water taxi pour foutre le camp. Je choisis le métro.

Le musée de trop

3PM. Les interminables couloirs de la station de Fulton Street m’ont donné le temps de me fixer sur un nouvel objectif : ce sera le Met (Metropolitan Museum of Art), le Louvre américain. A la suite de ma visite au MoMA, je suis donc certain de me coucher ce soir plus cultivé que jamais.
Après avoir généreusement laissé 20 dollars à l’entrée (le tarif n’est que « recommandé ») puis répondu négativement à la question « Are you a student ? » (pourtant je n’utilise pas de crème anti-âge), un grave problème se pose : par où je commence ? Parce que cet endroit est grand. Je veux dire, monstrueusement grand. Allons donc tout droit, au hasard.

Je n’ai pas fait 10 mètres au milieu des antiquités égyptiennes que déjà un planton me saute dessus : « No flash, please ». Euh, d’accord, mais je n’ai pas encore touché à mon appareil, monsieur l’agent… Le concept des « frappes préventives » se serait-il répandu à tous les niveaux de la société américaine ?

Je ne sais pas pour vous, mais je ne suis pas un grand fan des hiéroglyphes et des sarcophages, et il est clair que je ne lirai jamais un bouquin de Christian Jacq. Les pyramides ? Donnez-moi n’importe quel gratte-ciel à la place.
J’essaie donc de traverser aussi vite que possible les salles d’exposition, malgré le sol qui paraît se dérober à chacun de mes pas. Où sont les bancs dans ce musée, par pitié ?

Suffisait de demander, on peut s’asseoir autour du Temple de Dendur reconstitué dans une salle géante. Eviter tout de même de s’affaler pour faire la sieste comme la touriste qui vient de se faire rappeler à l’ordre par le planton.
Mon Dieu, mais que vois-je ? Cette nana à l’allure misérable qui erre comme une âme en peine sur le pourtour du temple, je la connais ! C’est la fille de l’avion ! Ma voisine moche et stressée du vol AA121 se traîne avec une mine désespérée ce vendredi après-midi au Met. Et si elle m'avait suivi depuis tout ce temps?
« Hé, bonjour, vous vous souvenez de moi ? On était ensemble dans l’avion l’autre jour ! Votre séjour se passe bien ? » Voilà en gros de quelle manière un jeune homme sociable et plein de bonnes intentions aurait pu aborder cette demoiselle esseulée. Rien que dans le but, disons, d’établir le contact avec une compatriote. Mais pas moi. Je ne suis pas sociable à ce point. Et puis, vous ai-je bien mentionné qu’elle avait un gros nez ?

A propos, si le MoMA était à moitié italien, le Met semble contenir une assez forte proportion de Français. Que j’évite avec le plus grand soin. C’est vrai quoi, je ne connais rien de mieux pour rompre le charme du voyage que de surprendre des exclamations du genre « Allez Jean-Pierre, on rentre, j’ai mal aux pieds ! »

6 PM. J’implore les dieux grecs qui m’entourent de me donner la force de me relever. J’ai posé les yeux sur suffisamment d'œuvres d’art aujourd'hui pour les vingt prochaines années. A propos, qu'est ce qui est le plus décourageant : savoir j’aurais oublié tout ce que je viens de voir dans 15 jours ou bien qu’il faille que je marche un quart d’heure pour attraper le métro?

Embuscade au 38ème étage

Champagne, foie gras, vins fins: génial, c'est l'anniversaire de D.! On dirait que j'ai choisi la bonne semaine pour traverser l'océan.
Hélas cette soirée tombe aussi au plus mauvais moment de la semaine pour A., qui lutte littéralement pour garder les yeux ouverts. Etrangement, le fait de se lever tous les matins à 7AM pour aller bosser semble lui peser lorsqu'arrive le week-end...

11 PM, D. et moi regardons d'un oeil distrait un match de baseball (une bonne chose qu'on ne puisse pas en voir en France, parce que je risquerais de gaspiller des heures et des heures de mon précieux temps) tout en sirotant gentiment un verre de vin rouge. La soirée va se terminer tranquillement, mais avant cela j'aimerais profiter de la vue du sommet de l'immeuble attenant, et jeter un oeil sur les lumières de la ville. Une bonne idée, non?

Quelque part entre 5 AM et 5:30 AM, samedi matin. Dans l'ascenseur avec D., de retour du 38ème étage. Un tantinet imbibé. Qu'est-ce qui s'est passé là-haut? Je ne suis plus très sûr. On verra demain s'il y a moyen de se souvenir de quelque chose. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je crois que j'ai besoin de dormir.

28 mai 2007

Week-end prolongé

Les faits suivants ont eu le mérite de retenir mon attention ce week-end, tandis que je profite d’un jour de repos forcé en ce lundi de Pentecôte…

- Toulouse s’est brillamment qualifié pour la Ligue des Champions en battant 3-1 son rival régional Bordeaux. L’équipe d’Elie Baup méritait tellement sa place parmi l’élite européenne que la Ligue leur avait offert 2 points de bonus au cas où leur formidable parcours n’aurait pas suffit. Grands seigneurs, les Toulousains ont décliné l’offre et gagné leur ticket pour l’Europe sur le terrain. Milan, Manchester et le Barça peuvent désormais trembler.

- Rennes a de nouveau raté le coche d’extrême justesse, rejoint sur le fil à Lille sur une tête de Nicolas Fauvergue. Leur président Frédéric de Saint-Sernin était tellement déçu à la fin du match qu’il a évoqué d’éventuels « recours en justice. » Ecoutez, je suis à fond derrière les Rennais dans cette affaire. Si un tribunal pouvait interdire de terrain le dénommé Fauvergue pendant un laps de temps substantiel, nous serions tous gagnants.

- Euh, juste une question : 58 points moins 2, ça fait bien 56, non ? Merci. C’était juste pour vérifier que la Ligue 1 Orange® est le seul championnat d’Europe à envoyer le septième du classement en LDC.

- Les supporters lensois, écoeurés par le spectacle de leur équipe favorite se faisant étriller à Troyes, ont tenté d’envahir la pelouse. Je ne suis pas bien sûr d’avoir compris le but de la manœuvre. Pour bénéficier de la victoire sur tapis vert, ne faut-il pas que ce soient les supporters de l’autre équipe qui interrompent la partie ?

- Sur le marché des transferts depuis samedi soir, les supporters nantais intéresseraient de nombreuses équipes de Ligue 1 Orange®. Une vingtaine d’entre elles.

- Le Stade Brestois se maintient en D2 ! Je le répète, autant se mettre en condition dès maintenant pour une nouvelle saison de souffrance.

- Bjarne Riis a admis s’être dopé lors de sa victoire dans le Tour de France 96. Quel choc. Qui aurait pu imaginer que les cyclistes prenaient des produits à l’époque, blablabla, blablabla. En même temps, c’est la première bonne nouvelle pour Jan Ulrich depuis bien longtemps. Ayant fini deuxième derrière Riis à l’époque, il devrait logiquement pouvoir récupérer le maillot jaune et la victoire dans le Tour 96 ! Attendez, je viens de dire une bêtise, non ?

- Les playoffs NBA se poursuivent et, qui l’eût cru, le suspense est relancé. Bon, San Antonio et Detroit vont se retrouver en finale, tout le monde est d’accord, mais au moins ils vont devront suer un peu. Et puis la série Spurs-Jazz est l’occasion pour Deron Williams de s’affirmer comme une future superstar et comme un de mes nouveaux joueurs favoris. Vous pouvez être sûrs qu’il fera partie de mon équipe de fantasy l’année prochaine…

26 mai 2007

Day 6 Thursday 04/26: Marathon man

Harlem au pas de course

Première préoccupation au réveil : la météo. A cause de la pluie, les Yankees n’ont pas pu jouer hier, et vu que nous avons des billets pour le match de ce soir, je zappe sans répit sur les chaînes locales en priant pour des prévisions clémentes. Le verdict : « Late Showers ». Averses dans la soirée. Très tard, espérons-le.

86ème rue Est, je sors du métro pour me diriger vers Museum Mile avec l’intention de voir l’extérieur du Guggenheim Museum et son fameux bâtiment en spirale.
Qui devrait être là, sous mes yeux, au lieu de cet amoncellement d’échafaudages. « Exterior restoration in progress », m’apprend le panneau. Mon premier bide de la journée.
Je ne m’en laisse pas conter, car il me suffit de traverser la 5ème avenue pour entrer dans Central Park et découvrir le « Jacqueline Kennedy Onassis Reservoir », vaste plan d’eau dont les joggeurs s’amusent à faire le tour (mais uniquement dans le sens inverse des aiguilles d’une montre). Et oui, Jackie O a le privilège de donner son nom à un étang. C’est moins prestigieux que son mari président avec son aéroport international, mais il faut dire qu’elle a trahi l’Amérique en se mariant avec un Grec et qu’elle n’est pas non plus morte assassinée sous les balles de Lee Harvey Oswald… Ou des Cubains. Ou du complexe militaro-industriel. Ou de la CIA. Ou de la mafia. Ou de…

125ème rue. Ou si vous préférez, Dr Martin Luther King Boulevard. Vous l’avez deviné, je suis à Harlem. Un clodo noir aviné se fait embarquer par les flics devant l’entrée du métro, mais pour le reste, rien à signaler question « insécurité ». Pas grand chose à signaler tout court, d’ailleurs. De grandes artères bordées de magasins divers, quelques africains proposant sur leurs étals une pharmacopée douteuse, quelques théâtres, pas mal d’églises, une grande affiche « Ban hip-hop and 50 cent », parce que seuls des Noirs peuvent dire qu’ils détestent le rap sans passer pour des racistes, et des touristes, de temps à autre, faciles à repérer (à la couleur).
Au bout d’une heure de marche, la question se pose : Que faire ? Et pourquoi pas un petit coup de métro ?

The Seinfeld Chronicles

C’était seulement pour descendre 9 rues, mais j’ai l’intention d’économiser les forces qu’il me reste. D’autant que je dois à présent grimper les allées du Morningside Park pour prendre un peu de hauteur et m’approcher de la monstrueuse cathédrale St John the Divine, toujours en travaux et selon certains la plus grande du monde. La plus longue, ça c’est sûr. On n’en voit pas le bout.
Après un instant d’hésitation (j’entre ou pas ?), je décide de poursuvre ma route vers l’ouest, pour finalement tomber sur un bureau de l’US Postal Service. J’ai besoin de timbres et la postière chinoise veut connaître le poids de ce que je compte expédier en France : « HeaBy or light ? » Facile de me moquer, mais objectivement, mon accent est meilleur.

Soudain, à l’angle de la 112ème et de Broadway, que vois-je : « Tom’s Restaurant », le restau de « Seinfeld » ! Je résiste à l’idée d’aller voir si George et Jerry sont à l’intérieur (en même temps, la série s’est arrêtée en 98, et puis ils tournaient à Los Angeles…), mais ce coup de chance suffit à me rendre tout joyeux. Vous ne comprenez pas du tout de quoi je suis en train de parler ? Ok, je prends deux minutes pour vous expliquer que « Seinfeld » était le plus gros sitcom des années 90, un truc totalement hilarant, récemment élu par un magazine américain « meilleur programme télévisé de tous les temps » (prends ça dans les dents, « Plus belle la vie » !), que les coffrets DVD sont disponibles et que vous devez éviter à tout prix la VF, un massacre intégral dont l’équivalent en littérature aurait été de transformer « Crime et Châtiment » en un roman de Marc Lévy. Mais revenons à mes aventures.

Alma Mater

Au bout de la rue, Riverside Park, le long de l’Hudson. C’est grand, c’est haut, c’est désert, c’est à l’ombre, les arbres n’ont toujours pas de feuilles et le vent qui remonte de la rivière est plutôt frais. Il faut que je bouge.
A la sortie du ravitaillement en café et donuts, un jeune militant de Greenpeace me demande si je « wanna save some whales today ? ». Non merci, les baleines peuvent attendre un jour de plus. J’imagine que la présence de ces gauchistes sur les trottoirs s’explique par la proximité de Columbia University, car je suis sur le point de pénétrer sur le campus. Très joli. Cette fois je lutte pour ne pas établir de comparaisons avec Rennes et Villejean (après mûre réflexion, il faut avouer que les flippers de la cafet’ étaient pas mal).

Je m’assois sur les marches à l’extérieur de la bibliothèque au milieu des étudiants et des touristes japonais pour rédiger les cartes postales que j’ai prévu d’envoyer à quelques rares privilégiés. Je vais essayer de faire ça vite et bien. Du genre « New York c’est super, et en plus il fait beau, et puis les gens sont gentils, et que je mange bien, et que je fais plein de choses, et que bonjour à tout le monde bande de blaireaux coincés en France. » Comme je suis sur un campus et que la tuerie de Virginia Tech date de la semaine dernière, c’est aussi le moment pour une bonne blague lourde, « J’espère qu’aucun étudiant coréen perturbé ne va sortir son flingue et tirer sur la foule ». Ha ha ha. Si au moins j’avais eu un pote avec moi, ce ne serait resté que des paroles. Là, il a fallu que je l’écrive sur une carte. Toutes mes excuses à ceux qui l’ont reçue.

En perdition

Le temps de trouver une boîte aux lettres et me revoilà dans le métro, direction l’extrême nord. Deux arrêts aussi inconsidérés qu’inutiles, le premier dans le quartier de Washington Heights au niveau du Presbyterian Hospital, le second pour constater que Broadway devient de moins en moins glamour au fur et à mesure que l’on remonte, ralentissent sensiblement ma progression jusqu’aux Cloîtres. Mais je vais y arriver.
Quel qualificatif choisir pour définir la station de la 190ème rue? « Décrépite » semble approprié. « Déserte » ne serait pas mal non plus. Un vieux type avec un genre d'uniforme sur le dos me fait signe de me dépêcher tandis que j'approche des ascenseurs: c'est le liftier! Il a sa chaise et sa petite table dans ce gourbi, et son métier c’est d’appuyer sur des boutons. Sympa. J'apprécie le service à sa juste valeur, mais je respire un bon coup en sortant de ce trou.

Je me balade enfin dans Fort Tryon Park. Belle vue vers l'ouest sur l'Hudson, le New Jersey et le pont George Washington. Au nord, les Cloisters, musée en forme d'abbaye composé d'éléments importés de monastères du sud de la France. Je n'ai pas l'intention d'en voir plus.

1:30 PM, je suis seul et affamé sous le ciel qui se couvre sur le belvédère du fort, sans aucune idée de ce que je vais faire. Autant le dire à présent, si je recommande le plus vivement du monde à ceux qui n'ont jamais vu New York de faire le voyage, je ne saurais trop vous conseiller d'y emmener quelqu'un avec vous. Même quelqu'un que vous ne connaissez que moyennement bien. Cela vous épargnera de grands moments de solitude.
Mais d'ailleurs, qu'est-ce que cet endroit a à voir avec New York? Où sont les buildings, les taxis jaunes, la foule cosmopolite? J'attrape ma carte de métro dans mon sac, et un nom ressort immédiatement: Times Square. Je fonce jusqu'au subway, choisissant cette fois de me débrouiller tout seul dans l'autre ascenseur. Soyez certains que d'ici quelques années, le fantôme du liftier hantera cette station.

Top of the world
Restauration rapide à Times Square. Je me sens tout de suite mieux, et c'est en marchant au milieu de la forêt de néons (il faut absolument voir Times Square la nuit, paraît-il. Encore raté), que je me rappelle qu'il y a une chose que je n'ai pas encore faite: grimper au sommet d'un building. Pour jouer à l'original, je décide de ne pas opter pour l'Empire State Building, mais pour le nouvellement ouvert « Top of the Rock » au GE Building de Rockefeller Center. 70 étages, 259 mètres, une vue plongeante sur Central Park, le meilleur point de vue sur l'Empire State (c'est plus facile quand on n'est pas dessus) et la sensation d'être véritablement au coeur des gratte-ciel. WAOW.
Et puis 18 dollars, ce n'est pas vraiment pas excessif pour apercevoir au loin le déprimant George Washington Bridge. Loin, si loin.

Il me reste encore à me promener dans le West Side, que je dominais parfaitement du haut de l'Observation Deck. C’est chose faite après un petit tour de métro. Le réservoir de Jackie a la même allure que ce matin (était-ce réellement ce matin? Pas le mois dernier?) et le Museum d'Histoire Naturelle est en travaux (c'est la journée). Je finis par traîner autour du Dakota Building, cherchant en vain le mémorial John Lennon. J'apprendrai ensuite qu'il se trouve plus loin, dans le parc. Pas grave, au fond Lennon m'a toujours énervé, et si on m'avait demandé d'abattre un Beatle, c'est probablement lui que j'aurais choisi. Ou peut-être Ringo.

Let's go Yankees!

6:30 PM, je suis dans le métro pour la douzième fois de la journée, cette fois avec toute la petite famille dans une rame bondée, direction le Yankee Stadium, dans le Bronx. Comment savoir que les trois quarts de la rame se rendent au match ? Facile : les casquettes.
Après avoir fait la queue et erré un temps dans les couloirs à la recherche de nos places (très bien situées, merci) nous arrivons juste à temps pour nous lever, ôter nos couvre-chefs et écouter les hymnes (Toronto est l'adversaire du soir, alors on a aussi droit à « O Canada ») en version Charly Oleg. Très joli.

Bien. C'est le moment de dissiper votre inquiétude: non, je ne vais pas me lancer dans une tentative d'explication des règles du baseball. D'abord je ne suis pas sûr d'en être capable, et puis vous n'en avez certainement pas besoin pour briller dans les dîners en ville. Néanmoins, voici une information que vous pourriez éventuellement utiliser entre le fromage et le dessert: les Yankees de New York ont la plus grosse masse salariale au monde. Tous sports confondus.

Pas évident de suivre la partie au début, avec les allées et venues incessantes des vendeurs de cacahuètes, de hot-dogs ou de bière. Clairement, le spectacle est dans les tribunes. Je paierais tous les jours pour voir ces types hurler « Peanuts ! » puis lancer les paquets vers les clients avec une précision diabolique.
Sinon, les Yankees perdent déjà 2-0.
Le baseball est-il un sport ennuyeux ? Ça dépend si on vous a prévenu avant que les joueurs sont des gros lards et qu’il ne se passe pas grand-chose pendant 3 heures. Pas un problème pour moi, je le savais déjà. L’important en vérité, c’est de savoir qu’à chaque instant il pourrait se passer quelque chose. Mais pas ce soir, visiblement.
L'espoir renaît avec le tour de batte d'Alex Rodriguez (A-Rod pour les intimes, 28 millions de dollars par saison), mais sa frappe échoue à quelques mètres du home-run. On ne le sait pas encore, mais ce sera la meilleure occasion de marquer pour les Yankees...

9:45 PM, 4-0 Blue Jays, pause de la septième manche (7th inning break): la plupart des coups de batte finissent dans les tribunes, sans toutefois faire de victimes, et le pitcher de Toronto ridiculise les batteurs de New York. Probablement dans une tentative désespérée de changer le cours de la partie, on nous demande une nouvelle fois de nous lever et de retirer nos casquettes, cette fois pour un petit « God Bless America » de derrière les fagots. Vérification faite, ils font ça à tous les matches, une exclusivité des Yankees, sans doute pour faire plus patriotique que les autres clubs. Mais contre Toronto, est-ce vraiment nécessaire? En plus, ça ne marche pas. Les Yankees semblent incapables de frapper correctement une balle ce soir.

10:15 PM, fin du match. La moitié des 45000 spectateurs a quitté depuis longtemps le stade, résignée par le score (6-0). Je n'ai pas donc porté chance aux Yankees, mais il leur reste 140 matches pour se refaire cette saison.
Aussi content que je sois d’avoir assisté à un match dans un stade mythique et d’avoir compris enfin que l’on pouvait se passionner pour ce sport, je ne peux pas m’empêcher de me sentir frustré par le manque d’action et de home-runs. Un sentiment qu’A. résumera en une phrase lapidaire à la sortie du stade : « Au moins au basket, il y a des paniers! »
Que voulez-vous répondre à ça ?

23 mai 2007

Day 5, Wednesday 04/25 : I Love NY

Quart d’heure bucolique

Vous vous demandez peut-être pourquoi je n’ai pas encore fait mention de la trépidante vie nocturne de New York City.
C’est qu’il y a une excellente raison à ça : la nuit, je dors. Sinon comment croyez-vous que je pourrais être de nouveau sur le pont ce matin à 9AM ?

Je démarre par la 58ème rue Est, jusqu'au Plaza Hotel et Central Park. Rien de particulier à ajouter, à part que c'est la meilleure façon de commencer la journée. Bon, ok, c'est aussi parce le métro qui peut m'envoyer là où je veux n'est pas tout à fait à côté. Quant au bus, ma foi, non merci. Ça me rappelle trop les années de lycée.

Je me promène autour du Pond, charmant petit étang occupé par quelques canards. Je serais tenté de m'autoriser déjà une pause, mais le banc sur lequel je m’apprête à m’asseoir est dédié à la mémoire d'une petite fille décédée à l'âge de 8 ans : je ne veux rien avoir à faire avec ça ! (un banc de vieillard, d'accord, mais là...)
La motivation retrouvée, en un éclair je suis à Columbus Circle, rond-point à statue de Christophe Colomb à l'angle sud-ouest de Central Park, pour une rapide visite dans les boutiques du Time Warner Center avant de prendre le métro.
C'est terriblement propre et aseptisé, mais si l'on monte au troisième étage par les escalators, la façade de verre offre une vue intéressante sur Central Park South. Bref, il est temps que je file...

Mais où sont les gens ?

Début de la balade dans le West Village qui, avec son voisin de Greenwich Village, constitue le quartier historique de la bohème new yorkaise. C'est donc ici que vous avez le plus de chances de croiser le fantôme de Bob Dylan jeune. Enfin, sans doute pas à dix heures du matin. Parce qu'à cette heure-ci, mon Dieu... C'est le quartier le plus paisible de Manhattan! Pas de meilleur coin ni de meilleur horaire si vous voulez longer des pâtés de maison entiers à l'ombre d'arbustes bourgeonnants sans jamais croiser un indigène.
Au coin de Commerce Street, enfin, tout près du Cherry Lane Theater, une séance photo avec une fille en robe rétro sur un Vespa: j'ai failli oublier que j'étais dans le quartier des « artistes ».

Rapidement, malgré tout, les rues changent d'aspect. Via la 11ème rue et University Plaza, je me rapproche de Washington Square et de NYU, et les étudiants se mettent à apparaître sur les trottoirs. Ce qui m'amène stupidement à faire du révisionnisme : aurais-je préféré être étudiant sur le campus de NYU au coeur du Village à Manhattan plutôt que sur le campus de Villejean à Rennes? Oh et puis merde, ça ne sert à rien de se faire du mal...
Petite pause en face de l'arc de triomphe du Washington Square, le temps de constater que le parc, réputé naguère pour être un repaire de junkies, a été karchérisé à fond. Les seuls déchets humains présents ici sont les touristes exténués et les étudiants qui tentent de masquer leur gueule de bois avec un bouquin...

Soyons francs: il n'y a rien à voir à Chelsea. Quartier résidentiel, de belles rues, de beaux immeubles, mais pas la moitié du charme du Village ou de SoHo. Je passe le plus clair de mon temps plongé dans mes cartes pour trouver la station de métro la plus proche: pas un bon signe. Sur la 10ème avenue, l'attraction principale du quartier, le Park Fast, où les gens laissent leur voiture pour qu'elle soit garée dans une sorte de clapier géant. Un fantasme de petit garçon : de loin, on dirait un garage Majorette.
Bien, il se pourrait bien que je sois remonté trop haut avec le métro tout à l'heure, car selon mon guide le prochain secteur à voir commence à la 14ème rue, tandis que je me traîne encore le long des Chelsea Piers (quais sur l'Hudson reconvertis en immenses salles de gym) au niveau de la 21ème. Pas dramatique, sauf que cette sensation désagréable dans ma chaussure droite ressemble fort à celle que provoquerait une ampoule. Courage. Je peux y arriver. Et puis comme on dit en Amérique, « Only the strong survive »… (NdA: j'avais peur que ce récit ne fasse pas réaliste si je ne pleurnichais pas au moins une fois dans la semaine)

Les entrepôts à viande du Meat Packing District sont progressivement remplacés par des boutiques de fringues de luxe et des galeries d'art, ce qui ne laisse pas de m'étonner, vu que ma conception de la société implique que nous aurons toujours plus besoin d'hommes capables de découper une vache que de jeunes peintres d'avant-garde. Comme quoi je peux aussi être un gros beauf, par moments.
Cela ne veut cependant pas dire que le coin n'est pas intéressant, car hormis le contraste entre les boutiques Stella McCartney et les dépôts de barbaque, on y trouve un vrai-faux bistrot français avec l'enseigne qui va bien ainsi qu’un certain nombre d’immeubles un peu délabrés. Les premiers que je vois à Manhattan. Un demi-choc.

A manger et à boire

12:15 PM. Je croise tout un tas d'ouvriers latinos avec des barquettes de bouffe qui semblent tous venir du même endroit, et tout à coup mon estomac se manifeste. Direction le North Village Deli, au coin de la 8ème avenue et de la 14ème rue, où l'on peut remplir sa barquette parmi tout un choix de salades et de plats chauds, avant de payer au poids et d'aller manger dans la salle au-dessus. Nous sommes sans doute trop fiers de notre tradition gastronomique pour adopter un concept aussi pratique.
Quoiqu'il en soit, je peux vous dire que je le savoure, mon poulet frit.

2:45 PM. Je suis tout à fait prêt à admettre que j'exagère, mais peu importe: je suis de nouveau au pub avec D. pour regarder la LDC... C'est qu'il y a des propositions qui ne se refusent pas.
Ce que j'ai fait depuis le Deli? Oh, des broutilles: j'ai pris le métro, fait la tournée des Four Squares (Stuyvesant, Gramercy, Union, Madison), bu un café, pris deux photos du Flatiron Building (le fameux « fer à repasser »), puis remonté la 7ème avenue pour un pèlerinage jusqu'au Madison Square Garden.
Avec des joueurs et surtout un coach digne de ce nom, c'est ici et maintenant, pendant les playoffs, que les Knicks auraient dû faire vibrer les New Yorkais. Mais cette franchise est tellement mal gérée qu'elle est devenue la risée de la NBA. Une sorte de PSG américain (mais sans les hooligans). Allez, n'en parlons plus. Je prends ma photo souvenir et je quitte les lieux. Il y a une bière qui m’attend.

Je dis adieu au pub après la victoire de Chelsea (toujours aucune idée pourquoi il y a un « Chelsea » à Londres et un à New York), et j’entame une remontée de Broadway sous un ciel franchement menaçant. Comme je suis déjà à mi-séjour et qu’il est temps d’affronter cette réalité, aussi atroce soit-elle, détour obligatoire dans une boutique de souvenirs. Vous ne voulez pas savoir combien coûte un pauvre mug « I ♥ NY »…

Le cauchemar des gauchistes

Attendez une minute… Ces lumières, cette foule, ces immenses panneaux de pub, ces écrans vidéo géants, cet étalage obscène de marques et de couleurs entièrement consacré à la consommation à outrance : c’est Times Square ! (NdA : en fait je savais parfaitement où j’arrivais. Désolé pour cette pitoyable tentative de dramatisation)
C’est la décadence absolue ici ! J’adore, surtout après cette matinée dans des quartiers calmes, bien trop calmes… Les infos défilent en boucle sur ma droite. Ah, le coach des Pacers vient de se faire virer, on ne peut pas dire que ce soit une surprise.

En face, presque au milieu de la rue, ce que je croyais être un mythe, et qu’il fallait absolument que je voie de mes propres yeux pour en accepter la présence en un tel lieu : un bureau de recrutement des Forces Armées US. Army, Navy, Air Force, Marines, suivez votre instinct, il y a l’embarras du choix !
Et d’ailleurs… Si j’entrais ? Je m’engage dans les Marines, en 3 mois ils font de moi une machine à tuer façon Full Metal Jacket, je survis 18 mois en Irak, et malgré des séquelles psychologiques irréversibles, l’Oncle Sam salue mon retour en m’offrant la nationalité américaine, et je peux réaliser mon rêve en m’installant à New York !
Hmm, il se pourrait que j’aie encore besoin d’un peu de temps pour réfléchir à ce projet…

Sinon, Times Square est franchement fascinant, sorte de concentré de tout ce qu’un José Bové (qu’il reste traire ses chèvres, celui-là) peut détester dans notre société : je le répète, j’adore. Seul souci, la pluie qui se met à tomber et qui me force à me réfugier chez Virgin où, vous n’allez probablement pas me croire, ils vendent encore des CDs. Des CDs ! Ça fait tellement années 90…
Profitant d’une accalmie toute relative, je rejoins le NBA Store sur la 5ème avenue : me sentant comme le proverbial enfant dans un magasin de bonbons, je mettrai trois quarts d’heure à choisir deux t-shirts. C’est qu’il y a tellement de choses, voyez-vous, tant d’idées cadeaux : un verre à whisky « Charlotte Bobcats » pour votre tonton alcoolo, l’agenda « Gilbert Arenas » pour le petit cousin, et même le maillot « Memphis Grizzlies » pour faire honte à quelqu’un que vous n’aimez pas.

7 PM et des poussières, retour à l’appartement. Trempé. D. me propose d’aller jouer au soccer avec lui, la raison et l’âge de mes jambes (elles ont vieilli de 10 ans en 3 jours) me poussent à refuser poliment. Ce sera donc une soirée avec A., pas si mal si l’on considère que cela nous permettra de nous foutre de la gueule de notre BHL national, ridicule en interview quand il s’excite à propos du Darfour : « Itize eunakseptaibeule ! » Quoi, ton accent pourri ?

Forza Milan

La finale de la Ligue des Champions a lieu ce soir, et comme tous les ans, c’est le match à ne surtout pas manquer. Hormis en 97 lors de la victoire de Dortmund sur la Juventus (si je me souviens bien, j’étais à une fête sans intérêt organisée par une nana du même acabit. Je m’en veux toujours d’y être allé), j’ai vu toutes les finales depuis 1984 et le sacre de Liverpool (déjà) face à la Roma aux tirs au but. Un de mes plus vieux souvenirs de foot : un joueur italien presque chauve manquant son péno. Je ne suis plus très sûr si ça m’avait fait plaisir ou non.

Quoiqu’il en soit, cette année comme à chaque fois, il faut choisir son camp pour faire monter les enjeux, et ce soir il n’y aura aucun doute dans mon esprit : Milanais à 100%
Ça n’a pas toujours été le cas, loin de là. Au début des années 90, quand ils dominaient déjà l’Europe, je les méprisais profondément pour avoir, avec une régularité confondante, anéanti tous mes espoirs. Voyez plutôt :
- 91, éliminés par Marseille en quarts de finale de la LDC (vous vous rappelez de la panne d’électricité ?)
- 93, achetés par Marseille en finale. N’essayez même pas de me faire croire le contraire.
- 94, vainqueurs du grand Barça 4-0 en finale. Une preuve supplémentaire que la finale de 93 était truquée.
- 95, vainqueurs du PSG en demi-finales. Aujourd’hui j’ai du mal à y croire, mais j’avais vraiment un faible pour Paris à l’époque.

Avec l’ère Shevchenko, les choses ont commencé à changer, et petit à petit j’ai appris à apprécier cette équipe. J’ai aimé les voir battre la Juve en finale en 2003 et éliminer Lyon l’année dernière, et j’ai admiré leur démonstration face à Manchester il y a 15 jours.
Mais plus que tout, je veux les voir battre Liverpool ce soir afin que soit lavé l’affront de la fameuse finale de 2005.
Mettons les choses au clair : ce ne fut pas « la plus grande finale de tous les temps », mais « le plus gros hold-up de l’histoire ». Les journalistes et les benêts peuvent se toucher autant qu’ils veulent en repensant à ce match. Ce Liverpool-là était le pire champion d’Europe depuis Bucarest en 86.
Pour les amnésiques et pour ceux qui ne veulent garder à l’esprit que le version officielle, à savoir « Le courage, l’abnégation et la magnifique volonté des Anglais leur ont permis de refaire leur retard de 3 buts sur des Italiens suffisants puis d’arracher une victoire historique aux tirs au but ! », voici donc un bref rappel des faits :
- Milan doit mener 4 ou 5 à zéro à la mi-temps. Ce n’est pas du football, c’est une démonstration. Liverpool est ri-di-cu-le.
- Début de la 2ème mi-temps, Dida est endormi et se fait surprendre par une frappe anodine de Smicer. Puis Gerrard réussit une tête magnifique. Liverpool revient de nulle part, et deux minutes après, le même Gerrard entre dans la surface balle au pied, et s’écroule. Pénalty. Totalement imaginaire. Personne ne l’a touché. Mais tout le monde s’en fout, arbitre, journalistes et spectateurs compris : le match devient HISTORIQUE, voyons, ne pinaillons pas avec des points de règlement aussi secondaires.
- Liverpool égalise. Et arrête complètement de jouer.
- Milan domine outrageusement le reste du match et la prolongation.
- Prolongation, Dudek réalise l’arrêt du siècle (je ne plaisante pas) en deux temps après une tête puis une reprise à bout portant de Shevchenko. Une action incroyable. Un pur miracle.
- Milan s’effondre dans la séance du tirs au but, Liverpool gagne la Coupe d’Europe et tous les ignares célèbrent l’exploit. Je suis absolument dégoûté par l’injustice de cette victoire. Je dors très mal. Et refuse de revoir les images le lendemain.

Ne le prenez pas mal si vous faites partie de ces gens qui gobent le couplet extatique des journalistes sur la « magie d’Anfield », si vous croyez que « You’ll Never Walk Alone » est la plus grande chanson jamais écrite ou encore si vous êtes une de ces « petites frappes analphabètes » décrites par John King dans "Football Factory".
Mais ce soir j’aimerais vraiment oublier 2005 et cette finale de sinistre mémoire.

21 mai 2007

Day 4, Tuesday 04/24: Tant de choses à voir

Remise en route

C'est aujourd'hui que l'on va voir si j'en veux réellement. Après un lundi harassant qui s'est prolongé par une bouffe à la pizzeria et par une heure de show télé débile parce que je n'arrivais pas à dormir (quel abruti), vais-je pouvoir remettre ça et arpenter les trottoirs avec la même ardeur?
Un début de réponse: j'ai encore quitté l'appartement avant 9 AM. Ayant modifié légèrement l'itinéraire de mon échauffement matinal, je profite cette fois de l'animation et des New Yorkais en descendant Madison Avenue. A un passage piéton un type me demande la direction de la 51ème rue: aucun problème, c'est « This way ». Parfois je m'impressionne moi-même.
Sixième avenue, trois gros buildings identiques en face du Radio City Music Hall, site de la prochaine NFL Draft. On en reparle en fin de semaine.
A deux pas, le Rockefeller Center et sa Plaza, au milieu du complexe, là où ils aménagent une patinoire l'hiver. Saviez vous que JD Rockefeller est mort à près de cent ans en 1937, qu'il a été le premier magnat du pétrole et que sa société, la Standard Oil, a été cassée par les procès anti-trusts du début du 20ème siècle? Vous vous en foutez? Désolé, j'essayais juste de parfaire votre éducation.
De l'autre côté, des touristes font le pied de grue et agitent des pancartes du style « Hello Mom !» devant les bureaux de NBC News. Des péquenots américains. Il faut croire que ça existe.

Pas le temps de s'arrêter à la cathédrale St Patrick, qui fait franchement riquiqui avec sa double flèche de seulement 100m (minable): serais-je en train de devenir blasé?
Je poursuis sur la 42ème rue en direction de Grand Central Terminal, du fameux Chrysler Building et son aiguille chromée. Comment ai-je pu le rater hier? Pour une raison indéterminée je rentre à l'intérieur, pour constater qu'évidemment il n'y a rien à voir si ce n'est des portes d'ascenseur, et pas moyen de regarder les gargouilles.

11 AM, je suis en train de me demander si je n'aurais pas dû m'habiller autrement qu'en chemisette et bermuda. Dans le New York Post que j'ai acheté 25 cents j'apprends qu'un record de chaleur a été battu hier avec 86 degrés Fahrenheit (pour la conversion, débrouillez-vous) à Central Park. Pour l'instant, on en est loin ce matin. A propos, je suis sur un banc du City Hall Park, en face de la mairie, donc. Vu d'ici elle a correspond parfaitement à ce qu'on nous montre pendant le générique de Spin City, le sitcom avec Michael J. Fox qui est tellement mal doublé en VF que je ne suis jamais parvenu à aller au bout d'un épisode.
Le parc est dominé par le Woolworth Building, « chef d'oeuvre de Cass Gilbert, ce gratte-ciel de style néo-gothique, édifié en 1913, demeura l'édifice le plus élevé du monde (241m) jusqu'à l'achèvement du Chrysler Building en 1930 ». Vous l'avez compris, ce matin je n'ai pas oublié mon guide.

Tribeca/SoHo

12:30 PM. Prié pour le repos de l’âme d’un gentilhomme français du 18ème au petit cimetière de St Paul’s Chapel en face de Ground Zero, puis dépensé 14 dollars dans de nouvelles lunettes de soleil chez Century 21 avant de marcher jusqu’au Washington Market Park, où des nounous noires surveillent des gamins blancs qui se défoulent sur les toboggans. Je me prépare à entamer, à l’aide de fiches promenades, l’exploration des quartiers situés entre les buildings du Financial District et ceux de Midtown.
Suivant à la lettre les instructions, j'entre dans Tribeca (pour Triangle Below Canal Street : ils sont trop forts ces Ricains), quartier branché où les galeries d’art côtoient les restaus à la mode. Comme Bob De Niro habite pas loin, il en a profité pour créer un festival de cinéma, le Tribeca Film Festival (bonjour l’imagination) qui se déroule justement en ce moment. Mon Dieu, vais-je avoir le privilège suprême de croiser une star dans la rue ? Mieux vaut garder l’index crispé sur le déclencheur de mon appareil photo, on ne sait jamais.
Résultat, je me retrouve à photographier les immeubles à chaque coin de rue. Ça valait quand même le coup, c’est très sympa par ici, et puis il y a ces fameux escaliers de secours métalliques sur les façades : de la couleur locale, donc.
La transition vers SoHo (South of Houston Street) se fait en douceur. Quartier historique embourgeoisé, des petites rues, des immeubles d’époque restaurés comme il faut, des boutiques de fringues à profusion et pas trop de circulation : agréable. Et après deux jours passés le nez en l’air à cause des gratte-ciel, l’occasion enfin de regarder devant soi et d'observer les gens. Ou plus précisément, disons-le, les filles.
Connaissant plus ou moins la réputation du quartier, j’avais le secret espoir d’une collision avec un top-model au détour d’un trottoir, mais ça n’était pas mon jour de chance. Pour le reste, je ne dirai que ceci: les femmes sont élégantes. Très élégantes.

Little Italy/Big Chinatown

Je m’oblige à marcher du côté ombragé de la rue (il fait de nouveau chaud) pour descendre vers Little Italy. Qui devrait changer son nom en Very Very Little Italy : trois rues à tout casser, dont la principale, Mulberry Street, n’est qu’un alignement de restaus aux devantures vert-blanc-rouge. Un d’entre eux s’affiche comme celui des « Soprano », même s’il reste à vérifier qu’une seule scène de la série ait bien été tourné là. Un fanion « Campioni del Mondo 2006 » me rappelle de bons souvenirs, et c’est déjà terminé, je suis sur le point de changer de territoire. Les Italiens semblent avoir foutu le camp depuis bien longtemps, ne visitez le secteur que si vous voulez absolument manger des spaghettis.

De l’autre côté de Canal Street, par contre, voici un quartier bien plus animé : Chinatown. Ici, pas de doute, les vitrines des commerces sont indéchiffrables, les trottoirs sont bondés et seuls les touristes n’ont pas les yeux bridés. Les Chinois n’ont définitivement pas foutu le camp.
Le moment pour moi de vous confesser qu’au bout de deux minutes, je fais une magnifique poussée de racisme anti-chinois. Entre les boutiques cra-cra, l’odeur de bouffe écoeurante et tous ces gens qui se bousculent, la seule chose qui me vient à l’esprit c’est : où est la sortie ? La vérité, c’est que les Chinois me foutent la trouille : ils sont plus d’un milliard et demi, bon sang ! Et je ne suis pas préparé à un monde où je serais le seul blanc au milieu de la foule. Désolé.
Dans ma fuite éperdue je cherche des yeux les plus grands buildings alentour, et me voici près de la fontaine (à sec, malheureusement) de Foley Square, entouré des bâtiments gigantesques de la Cour de Commerce International, de la Cour de l’Etat de New York et de la Cour fédérale. Pas le meilleur endroit pour faire l’imbécile.

Soccer fan

Un message de D. sur le portable ! Il me donne rendez-vous dans un pub sur la 33ème rue, pour Manchester-Milan en demi-finale de la LDC. Excellente idée, mais pour la première fois depuis mon arrivée, j’ai bel et bien le sentiment d’être perdu. C’est idiot, parce que je ne suis pas spécialement dans un coin paumé… A force de tourner ma carte dans tous les sens pour trouver la bonne station de métro, je commence à me demander si les Chinois ne m’ont pas jeté un sort (promis, j’arrête), avant de me décider à reprendre ma marche en avant, dans l’espoir de tomber rapidement sur une bonne vieille rue, et un panneau du genre « Broadway ».

Ces minutes d’égarement n’ayant pas fort heureusement pas duré, il est temps d’appeler D. pour lui confirmer ma venue. Au moment où je l’appelle pour lui dire, texto : « Je suis devant l’entrée du métro au coin de Chambers et de West Broadway, j’arrive dans un quart d’heure. », je ressens tout à coup une immense fierté. C’est tellement mieux que d’appeler sa mère pour lui dire « Je suis à l’arrêt de bus 24 sur la place de la Liberté, je rentre à la maison »…

Assis dans la rame de métro, je feuillette les pages sport du New York Post (les Mavs sont mal barrés) quand montent deux jeunes filles chargées de cartons de cornets de glaces (?) mais surtout qui portent des robes franchement collantes. Comme elles restent debout et me font face, elles ne voient pas derrière elles le gros type rouge à la mine patibulaire qui les fixe avec un sourire mauvais. J’ai probablement vu beaucoup trop de séries policières US, mais cet enfoiré m’inquiète : s’il descend au même arrêt qu’elles, faudra-t-il que j’aille trouver le premier flic qui se présente ? Courageusement, je décide que ça n’est pas mon problème. Bien vu, car le suspect va descendre en même temps que moi, non sans s’être rincé l’œil une dernière fois de façon obscène. Le vieux dégueulasse. Quand je pense que pour ne pas ressembler à ce pervers j’ai à peine osé lever les yeux vers ces filles pendant le trajet…

Je retrouve D. et un collègue, Tony, devant le Stout, où approximativement 45 écrans (8 ou 9 en réalité, mais quand même…) de télés vont nous permettre de suivre le match (ManU mène déjà 1-0). Ce tabouret est peut-être le meilleur de mon existence.
En attendant les bières, je me fais la réflexion suivante : non seulement D. a un bon job en plein cœur de Manhattan, mais en plus il peut s’absenter au milieu de l’après-midi pour aller boire des coups devant un match de foot ? D’accord, d’accord, il faut que j’arrête d’y penser : la jalousie est un sentiment exécrable.
Et puis je ne suis pas non plus spécialement malheureux : la bière est fraîche, le match excellent, et je parle américain avec un gars du cru qui a l’air de me comprendre (j’apprendrais plus tard que Tony était en fait portugais, ce qui minimisera la portée de ma performance).

Je tiens à signaler pour les sceptiques qu’il y a effectivement du monde dans le pub pour le soccer, et même un black en costard qui fera plusieurs aller-retour avec son bureau et sautera littéralement de joie après le but de Rooney pendant les arrêts de jeu. Probablement un Anglais, je le concède.

Récupération près de la pelouse

4:30 PM, sortie du pub, je me sens un peu saoul et totalement lessivé. Bien trop tôt pour rentrer, cependant, alors je passe juste au-dessous de l’Empire State Building, tout simplement colossal, et reprends la 5ème avenue. Autant pour trouver des toilettes que pour l’intérêt historique je rentre dans la NY Public Library, où je me contenterai des grands escaliers de marbre et de quelques gravures d’époque. L’heure du tourisme culturel est dépassée depuis bien longtemps.
Heureusement, derrière la bibliothèque, voici un petit coin de paradis : Bryant Park, son grand rectangle de pelouse verte, ses tables de jardins, ses parasols et ses yuppies qui fêtent la fin de journée en buvant des bières. Une chaise au bord du gazon n’attendait que moi, je m’affale et je regarde les buildings qui m’entourent. Je vous ai dit que j’adorais les buildings ?
Ne croyez pas ceux qui vous disent que le New York Post n'est qu'un torchon à mettre dans le même sac que les tabloids anglais. Bon, c'est entendu, les affaires de moeurs impliquant de pseudo-célébrités y tiennent une grande place, mais les éditos valent le coup. Aujourd'hui, une réflexion pas piquée des vers sur l'entre deux tours des élections françaises. Le journaliste se lâche, cite les pires statistiques économiques qu'il a pu trouver, explique que nous sommes foutus quoiqu'il arrive et conclut en disant que la France restera quand même sympa à visiter. Pour ses musées. Je me marre. Avec toutes les saletés sur les Etats-Unis qu'on lit à longueur de temps sous la plume de nos journalistes tellement intelligents et cultivés, ça ne fait pas de mal d'avoir droit à la version US. Une boucherie. Et moi qui ne me sens même pas concerné...

6:30 PM, le soleil a disparu depuis longtemps derrière les façades, je repars me fondre dans la masse des piétons en direction de Grand Central. Je me sens bien plus frais qu'une heure avant. Dans le métro bondé, je peux commencer à croire que je vais réussir à devenir un vrai New Yorkais en moins d'une semaine...

En vrac

- je vous avais dit que tout était joué dans la Ligue 1 Orange ®. Et ne me cherchez pas avec ces histoires de 3ème place et de coupe UEFA, car on connaît le dicton : tour d’honneur en mai, humiliation en septembre.

- amis supporters nantais, quelle classe ! Banderoles vengeresses, envahissement du terrain avant la fin du match… La marque d’un grand club. Rendez-vous à Brest cet automne !

- car justement, un pénalty généreux a permis aux Brestois d’obtenir une victoire capitale à Tours dans les dernières minutes. Sauf catastrophe, nous aurons donc le privilège de vivre une nouvelle saison abominable en D2. J'ai hâte.

- j’étais loin d’être le seul à sentir la magouille autour d’Ajaccio-Montpellier (0-2). Le match avait tout simplement été retiré des grilles de la Française des Jeux et des sites de paris en ligne ! Respect pour Courbis : c’est le Charles Pasqua du football français. Sauf que lui aura quand même un peu de taule.

- Bonne nouvelle, Rafael Nadal, le pirate métrosexuel bodybuildé, a enfin perdu un match. Mauvaise nouvelle, Roland-Garros commence la semaine prochaine. Pourvu que l’on ne me prive pas de mon seul plaisir du tournoi : la défaite de Mauresmo, suivie de la sempiternelle question : « Amélie pourra-t-elle gagner un jour ? » Je me prépare à ricaner.

- Floyd Landis persiste : « Je ne me suis pas dopé ». Allez, un petit effort, la vérité est toute proche : « Je ne me suis pas dopé plus que les autres. »

- Pendant que les meilleures se battent pour le titre, le sort des pires franchises NBA dépend de balles de ping-pong. La NBA Draft Lottery, qui déterminera l’ordre de sélection des futures stars de Ligue, se déroule dans la nuit de mardi à mercredi. Memphis, Boston et Milwaukee, avec le plus de balles dans la machine, ont les meilleures chances de récupérer le premier choix. Philadelphie, Sacramento et les Clippers doivent espérer un miracle. Greg Oden et Kevin Durant sont à ce prix.

- C’est officiel, j’ai décidé de boycotter la suite et la fin des playoffs NBA. Pas très difficile quand un seul match est diffusé par semaine. Et puis ça ne sera pas trop dur de résister à l’envie de se lever au milieu de la nuit pour suivre la purge Spurs-Pistons en finale. Après un 3 sur 4 honorable au tour précédent, voici quand même une rapide preview des finales de conférence :
- San Antonio/Utah : les Spurs sont désormais universellement haïs, mais ce n’est pas ça qui va les empêcher de remporter un nouveau titre. Ni les Jazz. Spurs en 5 matches.
- Detroit/Cleveland : OK, j’avais prédit une finale Spurs/Cavs dès le mois d’octobre, et je devrais donc rester fidèle à moi-même. Mais LeBron James n’éliminera pas Detroit à lui tout seul. Pistons en 5 matches.

18 mai 2007

Day 3, Monday 04/23 : Au centre du Monde

Un matin sur Park Avenue

10:25 AM: je bois du café au lait (Grande Latte) dans un énorme gobelet en carton chez Starbucks, à Union Square. Il est déjà l’heure de récapituler ce début de journée et ses 90 minutes de marche :
Quelques blocks en direction de l'ouest à la descente de l’appartement, pour commencer, histoire de se mêler aux New Yorkais se rendant au travail. Les portiers d'hôtel qui nettoient les trottoirs au jet, les jeunes femmes pressées avec leur portable et leur gobelet de café, les marchands de muffins dans leurs carrioles, le grand black qui distribue les journaux gratuits à la sortie du subway en gueulant « Metro, metro! », la circulation pléthorique (6 taxis de front qui attendent le feu vert), les ouvriers qui déballent leur matériel et les joggeuses qui reviennent du parc: c'est bon d'être un touriste au milieu des gens qui s'activent.

Lorsque je débouche sur Park Avenue au niveau de la 63ème, je décide, n’écoutant que mon instinct, de mettre cap au sud et de m'engager dans le flot des employés, irrésistiblement attiré par la silhouette du MetLife Building qui domine toute l'avenue et le minuscule (tout est relatif) Helmsley, étrangement placé juste en dessous. Quoi de mieux pour se mettre dans le bain, au lendemain d'une balade dominicale, que de participer à la ruée vers les bureaux sur l'avenue la plus chic de New York? Tant pis si tout en moi trahit le touriste qui marche la tête en l'air, écoeuré par les immeubles (sans compter que j'ai emprunté un bermuda à D.), j'essaie de me mettre dans la peau de ces gens: ce qui veut dire accélérer sérieusement l'allure et ne pas sortir l'appareil photo. J'aurai tout le temps pour ça plus tard.

Me voilà à présent dans le hall de Grand Central Terminal. Ce n'était pas prévu, mais une fois passé sous le Helmsley et à travers le MetLife, l'entrée était juste en face, alors... Deux minutes d'arrêt, le temps de lever les yeux vers l'immense voûte ornée des constellations du zodiaque, d'où pend un drapeau américain aux proportions, disons, intéressantes, puis de chercher par quels escaliers sortir. Il me faudra plus d'une tentative.

La suite, c'est une longue descente de Lexington Avenue, tandis que je viens de me rendre compte que j'ai laissé cartes et guides à l'appartement. Un peu comme si j'avais inconsciemment voulu augmenter le niveau de difficulté de mon premier raid en solitaire dans la mégalopole. Seuls mon sens inné de l'orientation et la qualité de la signalisation new yorkaise pourront désormais me sauver de l'errance. Je suis raisonnablement optimiste.
Les trottoirs ici sont presque déserts, mais à une intersection je me retrouve embarqué dans une conversation avec une sorte de clodo qui ne me réclame pas de fric mais mon nom de famille: « What's your last name, young man? » (le sien c'est Burns, B-U-R-N-S) et qui ne m'insulte pas mais m'appelle « Pretty face ». Je suis flatté. Le petit bonhomme lumineux s'allume, je lance un « Have a nice day » totalement sincère, et je file. Je viens de me tirer avec les honneurs de ma première rencontre avec la faune locale.
Enfin l'avenue s'arrête, avec le charmant Gramercy Park (tellement charmant qu'il est fermé au public),et je prends à droite avec une seule idée en tête: le prochain revendeur franchisé de café et de beignets sera le bon.

En route vers la croisière

Retour chez Starbucks, où ceux qui n'ont pas leur laptop allumé sur leur table sont en minorité. Hé, ma voisine a le même portable Motorola que celui qu'A. m'a gentiment prêté en cas d'appel de détresse! (elle m'avait prévenu c'était le modèle le plus répandu.)
Bien, il faut que je sorte d'ici avec un programme pour la suite de la journée. Pourquoi pas une balade en bateau vers la Statue de la Liberté? J'aurais tort de ne pas profiter de l'été, maintenant si seulement je tombais sur le bon métro pour descendre à la pointe sud...

Evidemment , il a fallu que je me plante. Je ne pourrai pas dire que je n'avais pas tenté le diable, sans carte ni expérience du réseau souterrain, mais comme je suis vite retombé sur mes pattes... En deux mots, tout avait bien commencé, j'avais pris ma Metrocard valable 7 jours au distributeur, trouvé une ligne qui semblait m'emmener tout en bas de Manhattan puis fini par monter dans une rame tranquille. Les stations paraissaient défiler dans le bon ordre, mais quand je me suis retrouvé sur un pont au-dessus de l'East River, j'ai su qu'il y avait comme un problème: j'étais en route pour Brooklyn.
Pas de panique, il a suffi que je descende à la première station (DeKalb) récupère la bonne ligne (la R), demande confirmation à un autochtone fort cordial, et le tour était joué! Whitehall Station, le monstrueux One New York Plaza se dresse devant moi, je suis dans le quartier de la finance.
Evitant de trop regarder derrière moi l'accumulation surhumaine des buildings, je me dirige vers la station de ferry pour Staten Island. Difficile à manquer, même pour un touriste en perdition.

Un quart d’heure d’attente dans le terminal flambant neuf, et j’embarque avec la foule. Un ticket ? Pourquoi faire ? C’est gratuit ! Et oui, les gauchistes français qui, toujours en retard de deux guerres, réclament sans arrêt la gratuité des transports en commun pour les chômeurs, devraient venir voir comment ça se passe en Amérique ! Zéro dollar pour une balade dans la baie de New York, c’est quand même autre chose qu’un ticket gratuit pour faire Montreuil-Bastille ! (NB : je précise cependant que ce ferry est la seule chose gratuite à New York : ne vous faites pas d’illusions).
C’est parce qu’il fait trop beau pour s’enfermer dans un musée ou dans une statue que j’ai décidé de ne m’arrêter ni à Ellis Island ni à Liberty Island : un choix que je ne regrette pas tant le trajet en bateau permet de tout voir au fur et à mesure que l’on s’éloigne de Manhattan. Encore faut-il se faire une place sur le pont arrière pour faire face à la skyline et ne pas manquer le passage près de la Statue de la Liberté : elle est bien assez grande, ça suffit largement. Oh, et au fait : tout ce que vous avez pu lire ou entendre sur la baie de New York est véridique. Un de ces moments « Pincez-moi je rêve » que l’on n’oublie pas.

A Staten Island, si vous êtes assez rapide ou assez chanceux, un autre ferry vous attend pour repartir dans la foulée vers Manhattan. Je fonce m’installer sur le pont, face au soleil, tant pis pour cette vilaine rougeur sur mon cou et si je viens de casser mes vieilles lunettes pourries. 100% de touristes autour de moi, des italiens, un couple de yougos (?) et trois starlettes est-européennes tout droit sorties du casting d’un porno hongrois au rabais (chacun ses références culturelles). Je ne retournerai vers l’ombre à bâbord que pour suffoquer une nouvelle fois face au spectacle des buildings, juste avant l’arrivée. Il est 1PM, la matinée a été bien remplie.

NYC, Financial Capital of the World

J'entame la remontée de Broadway à Bowling Green, où naît l'interminable artère, en arpentant le trottoir du « canyon of heroes » (là où l'on fait pleuvoir les confettis sur les personnalités en décapotable). Des plaques en métal placées tous les deux ou trois mètres nous rappellent ces anciennes gloires: là par exemple, je viens d'enchaîner 3 dictateurs sud-américains et 2 équipes de baseball.
Je suis encore loin d'être blasé, car le « canyon » le plus démentiel, celui du pognon, ne tarde pas à surgir: Wall Street. Après avoir tourné à droite en face de Trinity Church, il faut oublier le soleil et se laisser happer par les murs de béton qui vous cernent. Les jours comme aujourd'hui, on peut toujours lever désespérément les yeux pour apercevoir le ciel. Quand il pleut, aucune chance.
Les flics sont là, les yuppies ont tombé la veste pour aller chercher à manger et les touristes ont l'air de touristes: épuisés et stupéfaits. La façade du New York Stock Exchange (pour les neuneus: le Bourse) arbore une immense bannière étoilée. Pourquoi se gêner?
Je me retourne pour apercevoir à l'autre bout le clocher de l'église, littéralement écrasé par les autres constructions. Les clochers ne sont-ils pas censés surplomber les toits des villes? Autre question : comment un endroit pareil peut-il tout simplement exister ?
Je retrouve les bords de la rivière, encore secoué par ce passage dans l'allée du pouvoir. Si l'effet recherché par les gens qui ont bâti ce quartier était de dégager une impression de puissance absolue, le moins qu'on puisse dire, c'est que sur moi, ça a plutôt bien marché. Je ne suis décidément qu'une petite merde insignifiante dans ce Monde.

Après un rapide coup d'oeil sur le pont de Brooklyn, je repars vite me cacher du soleil, comprenant tout à coup que je frôle l'inanition. A la recherche du premier marchand de bouffe je n'ai donc pas le temps de me recueillir à la Vietnam Veterans Plaza ni de m'asseoir à l'ombre du Four New York Plaza, énorme cube de brique rouge aux fenêtres en forme de meurtrières. Mon Dieu, mais que font toutes ces voitures de flic dans Water Street? Une alerte à la bombe? Un hold-up? Mon visa qui est déjà périmé? J'intercepte la conversation entre un passant et un genre de chef: c'est juste un exercice de routine, ils se rassemblent comme ça tous les jours en un endroit différent de la ville. Bon, tant qu'ils n'interdisent pas l'accès au MacDo, je ne m'en tire pas trop mal.
C'est en mangeant mon deuxième cheeseburger, celui qu'il a fallu que je descende réclamer à la serveuse noire (oups, elles sont toutes noires) que j'ai la révélation suivante: il faut que je trouve un boulot ici. Rien que pour avoir le sentiment d'être là où les choses se passent, d'être au centre du monde. (NdA: bien entendu, tous les projets élaborés et les déclarations faites au cours de cette semaine américaine et de celle qui suivra seront à mettre sous le coup de l'émotion et n'engagent absolument à rien. Si ce n'est à acheter la série complète des DVD de Sex and the city.) Heureusement ces fantasmes irréalistes sont vite interrompus par le départ des flics, juste en dessous. Au moins 50 voitures. Je n'exagère pas.

Ground Zero

Pour une meilleure perspective sur le vide laissé par l'écroulement des tours jumelles, remonter Broadway et prendre à gauche dans Liberty Street: l'évènement historique qui définit notre époque s’est produit juste là. Je ne peux pas refouler un petit pincement au cœur. Et je tiens à préciser aux tenants de la théorie du complot que j'aurais été prêt à les écouter si j'avais constaté que les tours existaient toujours. Mais non.
Je m'approche des grues et des grilles du chantier à la recherche du « mémorial », un petit truc de rien du tout au coin nord-est du périmètre, près des escaliers de la « World Trade Center Path Station », la station de train et de métro reconstruite en sous-sol. Qui aurait cru à une telle sobriété, à ce « lieu de mémoire » bas de gamme? Accrochés au grillage, des photos de sauveteurs et la liste des victimes. Rien de plus. Les Américains vont forcément se rattraper avec le complexe en construction, mais tout de même. Des touristes écoutent un clodo excité qui joue le rôle du « survivant » leur raconter comment il a vécu le drame. Pas très crédible.
Et pas grand chose à voir donc, mais je mentirais si je vous disais que les cinq minutes passées là ne m’avaient pas donné envie d'aller massacrer du terroriste à mains nues. L'occasion aussi de rappeler à mes compatriotes que les méchants, ce sont ceux qui ont détruits ces tours. Pas les Américains.

Bien, je poursuis ma tournée des dégâts avec le passage de l'autre côté vers le World Financial Center et son Winter Garden. Exactement ce dont j'avais besoin: la fraîcheur d'un atrium géant de marbre et de verre, avec des bancs pour s'asseoir au pied des palmiers. Dire qu'il est seulement 3PM... Je m'autorise une promenade dans la gallerie commerciale chicos, les employés d'American Express font la queue chez Starbucks, sûrement le magasin le plus rentable de l'immeuble, et je cherche la sortie.
La chaleur est à la limite du supportable près du port sur l'Hudson, je me dépêche de prendre mes photos et je file. Comme si le choc de New York ne suffisait pas, il me fallait en plus un choc thermique...

Softball girl

Repris le métro sous le WTC (ma façon à moi de dire merde à Oussama), descendu à l'angle de Broadway et de la 50ème. Le temps de dépasser la queue pour le David Letterman Late Show et je m'arrête chez Duane Reade, la chaîne de pharmacie qui fait aussi supérette pour m'acheter de l'eau et un stick pour les lèvres. Est-ce que je vous ai dit que l'air était terriblement sec ici? J'ai besoin d'une période d'adaptation.

4:30 PM, Central Park, enfin, et l’espoir de terminer la journée au calme. Je trouve des gradins à l'ombre pour regarder des collégiennes jouer au softball. Elles ne sont pas très douées, mais qu'est-ce que j'y connais, de toute manière? Les battes en aluminium fendant l'air avec un sifflement caractéristique, et préviennent tout assoupissement de ma part. Je note grossièrement sur un carnet mes activités de la journée: déjà plein de trous dans mon emploi du temps, espérons que la mémoire me reviendra quand j'aurais repris mes esprits.
Pour le moment j'ai un peu de mal à secouer mon hébétude, mes yeux las fixés sur l'étudiante en short rouge et débardeur noir qui lance la balle aux gamines. Peut-être la plus belle chose que j’ai vue aujourd’hui.