Bien évidemment je tiens à remercier A. et D. qui m'ont accueilli outre-Atlantique (ce blog est censé être anonyme, rappelez-vous, et puis je n'ai pas demandé l'autorisation de les citer), ainsi que leur petit T., bientôt 3 ans, qui m'a raccompagné au retour en France. Sans eux vous n'auriez rien à lire.
Je suis également dans l'obligation de vous prévenir que ce « journal » new yorkais est beaucoup trop long, totalement égocentrique, fortement orienté, souvent ennuyeux, et d'une aide toute relative pour ceux d'entre vous qui désireraient suivre mes traces aux States.
Si vous vous décidez malgré tout à vous lancer dans cette lecture, quelques photos et une publication chapitre par chapitre devraient aider à faire passer la pilule. Sans garantie.
Jour J, Samedi 21/04/07 : New York Here I come
Oui-Oui prend l’avion.
16h30, je bois une bière en remplissant le formulaire d’exemption de visa pour les States (ma question préférée : « Avez-vous été membre d’une organisation terroriste ? ». Appréciez le bon sens des Américains. N’est-ce pas la question que vous voudriez poser à tout inconnu qui demande à rentrer chez vous ?). Précisons que je me trouve à la cafétéria de la zone d’embarquement, portes A35 à A50, terminal 2A, aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Ce qui signifie que j’ai survécu à mon premier voyage en avion.
Oh, certes, quand j’ai quitté la piste à Brest deux heures plus tôt, il ne s’agissait pas à proprement parler de mon baptême de l’air, depuis que mes parents, il y a une vingtaine d’années, nous avaient fait monter, moi, mon frère et ma sœur, dans un petit coucou afin de nous faire découvrir les joies du vol aérien. Un échec total, j’imagine.
Car bien qu’habitant à deux pas de l’aéroport et ayant recouvert les murs de ma chambre de posters d’avions aux premières heures d’une interminable adolescence, je n’avais jusqu'à aujourd'hui jamais succombé aux attraits du tourisme exotique et de ses vols charters, non plus qu’à une quelconque envie de remonter dans un de ces appareils. (Si vous vous posez la question, oui, j’ai eu une vie plutôt monotone.)
Quoi qu’il en soit, afin de satisfaire votre curiosité ainsi que de faire progresser les travaux des psychologues, voici ce qui se passe dans la tête d’un homme à la trentaine bien entamée lorsqu’il prend son premier vol commercial :
- de l’appréhension dans la salle d’embarquement : non que je craigne une issue fatale, pas du tout, mais c’est que je ne voudrais surtout pas trahir ma qualité de débutant. Saurais-je me comporter comme il faut?
- de l’amusement en écoutant l’hôtesse : hilare à chaque intervention, massacrant chaque mot d’anglais, très démonstrative en mimant les consignes de sécurité. Pour finir, le stewart fera même une blague : « Pour ceux qui n’ont rien écouté, les consignes sont au dos des sièges ». Trop marrant.
- du soulagement quand l’avion s’élève : hé, ce truc marche vraiment !
- des questions de géographie pendant le vol : « C’est Jersey, ça ? Où Guernesey ? Et ça, ça devrait être le Cotentin, non ? »
- de l’agacement à cause de mon voisin : à en juger par la façon qu’il avait de coller son nez contre son journal, il devait être myope comme une taupe âgée. Et pas plus causant.
- de l’étonnement quand le commandant de bord ouvre son micro : « Mesdames et Messieurs, nous entamons notre descente. » Quoi, déjà ? Mais on vient à peine de décoller !
- rien du tout à l’atterrissage.
- un profond ennui en roulant sur les pistes de Roissy : quand est-ce qu’on s’arrête ?
Comme vous le voyez, rien de mémorable, même si ça fait toujours une ligne à rayer sur ma liste des « Choses à faire au moins une fois dans sa vie ».
La dernière fois, c’était quand j’avais démissionné de mon boulot.
Ecole de patience à Roissy
Maintenant que j’ai terminé ma Heineken, je déambule près de la porte d’embarquement. Plus un siège de libre et a priori plus personne qui parle français non plus. Il va falloir que je m’y habitue. J’admire mon avion à travers les vitres, il brille comme un sou neuf, pas comme le cercueil volant d’Aeroflot qui décolle derrière : si vraiment il faut que j’aille en Russie un jour, je choisirai la route.
Pour tuer l’ennui je me promène dans la boutique duty-free : 24 euros pour une bouteille de brandy en forme de Tour Eiffel, ça semble en effet être une affaire, mais plus loin je découvre une bouteille de cognac à 1440 euros ! Je me demande à combien s’élève le « duty » là-dessus…
Distrait par ces considérations tarifaires, je rate une annonce en français qui semble provoquer quelques remous. Heureusement mon anglais est si bon que je comprends qu’à la suite d’une grève il y aura un léger problème avec la restauration dans l’avion. Ma réaction immédiate : putain de CGT. Et quelques instants plus tard, l'angoisse : serais-je en train d’embarquer pour un remake de « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? »
A la sortie de la boutique, miracle, on parle français : oh là, pas trop vite, ce sont des fans de rugby avé l’assent de Toulouse ! « Puté, j’espèreuh que Biarritzeuh va perdreuh ! » Si je me retrouve à côté de ces gars-là dans l’avion, je n’hésite pas une seconde à demander un autre siège.
Au-dessus de l’Atlantique
19h00, à bord du vol AA121, j’écoute de la variété minable sur le canal 6 de la radio d’American Airlines en attendant d’avoir le droit de boire un coup.
Installé au fond de l’avion, côté droit de l’allée centrale, j’ai hérité de voisins français, un mec et une nana stressée qui a gobé un Xanax avant le décollage, les jolies images de ruisseaux, de fleurs et de papillons diffusées par les moniteurs de l’avion n’ayant visiblement pas suffit à la détendre.
Après un « bonjour » de rigueur, notre conversation en est restée là. Ça me convient parfaitement, car même si j’ai compris au bout de deux minutes que ces deux-là n’étaient pas « ensemble », je n’ai aucune intention de conter fleurette. Premièrement parce que c’est le type qui est assis à côté de moi, et deuxièmement parce que la fille est assez franchement moche. Fin de l’histoire.
Enfin le stewart semble approcher. C'est un asiatique efféminé, et il faudra s'en contenter, car je ne vois nulle part trace d'une hôtesse correspondant aux critères universellement exigés (i.e. une bombe sexuelle). Enorme déception. Et d'ailleurs, TROIS stewarts, n'est-ce pas au moins deux de trop?
Maintenant que j’ai dégusté un délicieux repas (du poulet) et un Pepsi (mon voisin voulait une bière: quand on lui a dit que c'était 5 dollars ou 5 euros, il a répondu qu'il n'avait pas d'argent. Le nase), je jette un oeil aux moniteurs, qui diffusent un programme spécial AA par CBS. Génial, ce truc date d'un bon mois, la preuve avec cette interview du coach d'UCLA dans « Road to the Final Four ». Le pékin de base sera peut-être dupe, mais on ne me la fait pas sur un sujet pareil (pour info, UCLA est bien allé jusqu'au Final Four, pour se faire éliminer par le Florida de Jo Noah).
Globalement, je suis tout sauf impressionné par ce vol: est-ce que je vous ai dit que les sièges et tout le reste avaient plus que vécu? A croire que ce Boeing 767 est la version aérienne des vieux trains corail que je me suis farci pendant les trois quarts des années 90 pour rentrer voir ma mère le week-end.
20h00, il est temps de se détendre en regardant « Casino Royale », le dernier Bond, offert par AA. Premières impressions, je ne comprends rien aux dialogues en anglais, sans doute parce qu'aucun des acteurs ne se donne la peine d'ouvrir la bouche pour parler, et puis le canal VF déconne dans l'accoudoir: au diable les écouteurs. De toute façon, depuis quand a-t-on besoin du son pour regarder un James Bond?
Les Cahiers du Cinéma
Cette fois, sans doute parce qu'il fallait le rendre vraiment vilain, ils ont affublé le méchant de DEUX tares physiques distinctes: d'abord une belle cicatrice sur son oeil borgne, et puis un asthme chronique qu'il soigne à grands coups de Ventoline. Mais pas la vulgaire Vento de la pharmacie du coin, non: le précieux inhalateur est glissé dans un étui en platine, c'est plus classe quand on est un richissime psychopathe.
Pour le reste, c'est le cirque habituel: des bagarres, des poursuites, des bagnoles, des gadgets, des filles, des hôtels de luxe et un casino, titre oblige, dans lequel Bond passe la moitié du film à jouer au poker contre le méchant. Au poker! Qui ne joue pas au poker de nos jours? Le premier crétin venu peut acheter ses jetons chez Carrefour et organiser des « parties entre amis ». Quand cette foutue mode va-t-elle prendre fin? Le pire, c'est qu’avec le son coupé je suis en train d'imaginer Patrick Bruel en train de prodiguer ses conseils d' « expert » à Bond et ses petits copains. Ce film est pathétique.
Enfin, pas tout à fait: j'aime bien Eva Green. Deux remarques à son propos. D'abord, c'est le genre d'hôtesse que j'aurais apprécié d'avoir à mon service sur ce vol. Ensuite, il est désormais clair qu'Eva est la soeur cachée de Jennifer Garner d'Alias, le front bombé, le gros nez et le menton sur-dimensionné en moins. Ce qui signifie aussi qu'il n'y a absolument aucune chance qu'elle soit la fille de Marlène Jobert, comme on essaye de nous le faire croire. Marlène Jobert, la mère d'Eva Green... Très drôle. Que ceux qui ne voient pas l'absurdité génétique lèvent la main...
Bien, j'en ai assez vu. Encore quatre heures de vol, je passe sur le canal country et j'essaie de dormir un peu.
Devinez quoi: je n'y arrive pas. Entre les mauvais sièges, l'excitation de l'arrivée prochaine à New York et les quintes de toux apocalyptiques d’un vieil handicapé assis deux sièges plus haut, les conditions ne sont pas idéales. Pas dramatique, je tire un trait sur mes espoirs de repos, mais il n'empêche que ce vol n'en finit pas: j'en ai terminé avec l'avion en attendant qu'ils mettent au point ces fusées de haute atmosphère qui ne mettront qu'une heure et demie pour traverser l'Atlantique.
Et ce deuxième film qu'on nous inflige, une comédie sentimentale avec Adam Sandler et Drew Barrymore! Sans rire, vous connaissez beaucoup d'actrices qui enlaidissent aussi rapidement de film en film? Fallait pas tâter autant du goulot pendant ta jeunesse, Drew...
John Fitzgerald Kennedy International Airport
Est-ce la fatigue, est-ce l'altitude, mais petit à petit mon cerveau s'emballe, et je me mets à chercher des équivalents à l'agonie de ces huit heures de vol vers la Terre Promise. Au final, et pour rester dans le domaine des transports, j'en conclus que je n'ai jamais autant souffert que depuis les fois où j'ai pris le train avec la gueule de bois: vous savez, ces voyages où vous préféreriez être morts...
Et soudain, l'inespéré se produit: l'avion amorce sa descente, quelques volets de hublots se soulèvent, je tourne la tête vers la droite, et je ne vois rien. Ah, si, une côte indéterminée dans le soleil couchant. Mon Dieu, je suis sur le point d'arriver! Toute tentative d'apercevoir ne serait-ce qu'un tout petit bout de building semble cependant vouée à l'échec. Il faut dire qu'on ne survole encore que Long Island... Je devrais me calmer un peu et profiter des derniers miles avant le Nouveau Monde.
Petite période de stress tandis que notre appareil roule sur les pistes de JFK et que l'on nous rappelle les formalités à remplir à l'arrivée. Ai-je bien coché NON à toutes leurs questions pièges? A peine débarqué, l'Amérique va-t-elle me refouler? Si oui, saurais-je lui pardonner? Oh, et puis merde, je préfère apprécier mon premier panorama américain, tellement dépaysant: des hangars.
Tout en marchant dans les couloirs de l'aérogare je prends les paris sur l'allure du flic de l'immigration qui va m'accueillir: soit un gros black, soit un beauf à moustache, bref, un bon vieux cliché. Raté, c'est une jolie asiatique, et qui parle français, en plus: « la main gauche... la main droite. » D'accord, elle fait la gueule, mais je lui donne mes empreintes de bonne grâce. Le premier obstacle est franchi!
Récupérer ma valise sera finalement plus compliqué, avec trois changements de tapis dans un terminal d'arrivée tellement miteux qu'American Airlines se sent obligé de coller un peu partout des affiches pour s'excuser de l'apparence des lieux. Le douanier regarde à peine ma fiche, j'aperçois le panneau « EXIT », et désormais c'est à nous deux l'Amérique!
Je me présente au guichet du Ground Transportation Desk pour récupérer une navette (Super Shuttle) pour Manhattan. Mon nom de famille posant problème (too many R's), je deviens donc « Mr. Luke », et je n'ai plus qu'à attendre. Notez que je me suis fait comprendre sans problème de l'employée, et vice-versa. Faut-il que je me mette à remercier tous mes profs d'anglais depuis la sixième? Je préfère continuer à croire que je suis naturellement doué pour les langues.
Je casse un billet de 100 dollars pour un hot-dog et une bouteille d'eau, et je patiente en regardant passer les gens, tout une troupe de latinos exubérants, une jeune française heureuse de voir enfin son copain venir la chercher: « Je croyais que tu allais me laisser toute seule dans une ville inconnue à 3h du matin! » Ah oui, c'est vrai, 3h du matin... Sans doute pour ça que je me sens si dynamique.
A fond vers Manhattan
Hé, ce type, là, c'est mon chauffeur! Un black avec une casquette aux couleurs de l'université du Michigan (bleu et jaune), comme le van vers lequel il m'emmène. Lui aussi, je comprends tout ce qu'il me dit! On se pousse, on se pousse, merci à tous les huit de me faire un petit peu de place, pour moi aussi la journée a été longue...
Calé dans le fond, j'admire les voitures pendant qu'on les double (et on les double toutes). Confirmation, c'est comme à la télé, elles sont belles et grosses. Sinon, le chauffeur est vraiment très agressif, slalomant entre les voies, enchaînant accélérations brutales et coups de freins. Je devrais être en pleine méditation, à la limite de l'extase, savourer ces kilomètres d'autoroute comme l'ultime passage avant de changer d'univers, repenser à tous ces films, ces séries, ces livres, ces disques, à tout ce que j’ai vu, entendu ou lu sur New York, mais la vérité c'est que je suis en train de prier pour ne pas mourir maintenant. Easy, man, please!
Ces lumières, au fond, dites-moi que ça veut dire qu'on arrive bientôt... OK, c'est officiel, ce sommet de gratte-ciel illuminé en vert, c'est l'Empire State Building! Un petit flash euphorique, et on s'engouffre dans le Midtown Tunnel, pour déboucher au coeur des buildings. Ce que je n'oublierai jamais: l'odeur de bouffe derrière l'hôtel où on s'arrête en premier. Ma première sensation à Manhattan.
Après une dernière frayeur (un gros coup de frein) et une envie réprimée de frapper le vieux couple d'allemands ricaneurs devant moi, vient finalement mon tour de descendre. « Mr Luke! East 63rd Street! » Je tends 25 dollars au chauffeur (« I appreciate, man »), soit un pourboire beaucoup trop généreux, mais je suis tellement content d'être arrivé que j'aurais donné toute ma liasse sans rechigner. Le temps de se faire annoncer par la gardienne de l'immeuble et de grimper 18 étages en ascenseur, et il ne me reste plus qu'à profiter de l'accueil d'A. et D., d'un canapé et d'une bière fraîche.
Il est 10 PM. Je suis à New York.
1 commentaire:
Hi hi hi, maintenant, la suite, please!!!!
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