21 mai 2007

Day 4, Tuesday 04/24: Tant de choses à voir

Remise en route

C'est aujourd'hui que l'on va voir si j'en veux réellement. Après un lundi harassant qui s'est prolongé par une bouffe à la pizzeria et par une heure de show télé débile parce que je n'arrivais pas à dormir (quel abruti), vais-je pouvoir remettre ça et arpenter les trottoirs avec la même ardeur?
Un début de réponse: j'ai encore quitté l'appartement avant 9 AM. Ayant modifié légèrement l'itinéraire de mon échauffement matinal, je profite cette fois de l'animation et des New Yorkais en descendant Madison Avenue. A un passage piéton un type me demande la direction de la 51ème rue: aucun problème, c'est « This way ». Parfois je m'impressionne moi-même.
Sixième avenue, trois gros buildings identiques en face du Radio City Music Hall, site de la prochaine NFL Draft. On en reparle en fin de semaine.
A deux pas, le Rockefeller Center et sa Plaza, au milieu du complexe, là où ils aménagent une patinoire l'hiver. Saviez vous que JD Rockefeller est mort à près de cent ans en 1937, qu'il a été le premier magnat du pétrole et que sa société, la Standard Oil, a été cassée par les procès anti-trusts du début du 20ème siècle? Vous vous en foutez? Désolé, j'essayais juste de parfaire votre éducation.
De l'autre côté, des touristes font le pied de grue et agitent des pancartes du style « Hello Mom !» devant les bureaux de NBC News. Des péquenots américains. Il faut croire que ça existe.

Pas le temps de s'arrêter à la cathédrale St Patrick, qui fait franchement riquiqui avec sa double flèche de seulement 100m (minable): serais-je en train de devenir blasé?
Je poursuis sur la 42ème rue en direction de Grand Central Terminal, du fameux Chrysler Building et son aiguille chromée. Comment ai-je pu le rater hier? Pour une raison indéterminée je rentre à l'intérieur, pour constater qu'évidemment il n'y a rien à voir si ce n'est des portes d'ascenseur, et pas moyen de regarder les gargouilles.

11 AM, je suis en train de me demander si je n'aurais pas dû m'habiller autrement qu'en chemisette et bermuda. Dans le New York Post que j'ai acheté 25 cents j'apprends qu'un record de chaleur a été battu hier avec 86 degrés Fahrenheit (pour la conversion, débrouillez-vous) à Central Park. Pour l'instant, on en est loin ce matin. A propos, je suis sur un banc du City Hall Park, en face de la mairie, donc. Vu d'ici elle a correspond parfaitement à ce qu'on nous montre pendant le générique de Spin City, le sitcom avec Michael J. Fox qui est tellement mal doublé en VF que je ne suis jamais parvenu à aller au bout d'un épisode.
Le parc est dominé par le Woolworth Building, « chef d'oeuvre de Cass Gilbert, ce gratte-ciel de style néo-gothique, édifié en 1913, demeura l'édifice le plus élevé du monde (241m) jusqu'à l'achèvement du Chrysler Building en 1930 ». Vous l'avez compris, ce matin je n'ai pas oublié mon guide.

Tribeca/SoHo

12:30 PM. Prié pour le repos de l’âme d’un gentilhomme français du 18ème au petit cimetière de St Paul’s Chapel en face de Ground Zero, puis dépensé 14 dollars dans de nouvelles lunettes de soleil chez Century 21 avant de marcher jusqu’au Washington Market Park, où des nounous noires surveillent des gamins blancs qui se défoulent sur les toboggans. Je me prépare à entamer, à l’aide de fiches promenades, l’exploration des quartiers situés entre les buildings du Financial District et ceux de Midtown.
Suivant à la lettre les instructions, j'entre dans Tribeca (pour Triangle Below Canal Street : ils sont trop forts ces Ricains), quartier branché où les galeries d’art côtoient les restaus à la mode. Comme Bob De Niro habite pas loin, il en a profité pour créer un festival de cinéma, le Tribeca Film Festival (bonjour l’imagination) qui se déroule justement en ce moment. Mon Dieu, vais-je avoir le privilège suprême de croiser une star dans la rue ? Mieux vaut garder l’index crispé sur le déclencheur de mon appareil photo, on ne sait jamais.
Résultat, je me retrouve à photographier les immeubles à chaque coin de rue. Ça valait quand même le coup, c’est très sympa par ici, et puis il y a ces fameux escaliers de secours métalliques sur les façades : de la couleur locale, donc.
La transition vers SoHo (South of Houston Street) se fait en douceur. Quartier historique embourgeoisé, des petites rues, des immeubles d’époque restaurés comme il faut, des boutiques de fringues à profusion et pas trop de circulation : agréable. Et après deux jours passés le nez en l’air à cause des gratte-ciel, l’occasion enfin de regarder devant soi et d'observer les gens. Ou plus précisément, disons-le, les filles.
Connaissant plus ou moins la réputation du quartier, j’avais le secret espoir d’une collision avec un top-model au détour d’un trottoir, mais ça n’était pas mon jour de chance. Pour le reste, je ne dirai que ceci: les femmes sont élégantes. Très élégantes.

Little Italy/Big Chinatown

Je m’oblige à marcher du côté ombragé de la rue (il fait de nouveau chaud) pour descendre vers Little Italy. Qui devrait changer son nom en Very Very Little Italy : trois rues à tout casser, dont la principale, Mulberry Street, n’est qu’un alignement de restaus aux devantures vert-blanc-rouge. Un d’entre eux s’affiche comme celui des « Soprano », même s’il reste à vérifier qu’une seule scène de la série ait bien été tourné là. Un fanion « Campioni del Mondo 2006 » me rappelle de bons souvenirs, et c’est déjà terminé, je suis sur le point de changer de territoire. Les Italiens semblent avoir foutu le camp depuis bien longtemps, ne visitez le secteur que si vous voulez absolument manger des spaghettis.

De l’autre côté de Canal Street, par contre, voici un quartier bien plus animé : Chinatown. Ici, pas de doute, les vitrines des commerces sont indéchiffrables, les trottoirs sont bondés et seuls les touristes n’ont pas les yeux bridés. Les Chinois n’ont définitivement pas foutu le camp.
Le moment pour moi de vous confesser qu’au bout de deux minutes, je fais une magnifique poussée de racisme anti-chinois. Entre les boutiques cra-cra, l’odeur de bouffe écoeurante et tous ces gens qui se bousculent, la seule chose qui me vient à l’esprit c’est : où est la sortie ? La vérité, c’est que les Chinois me foutent la trouille : ils sont plus d’un milliard et demi, bon sang ! Et je ne suis pas préparé à un monde où je serais le seul blanc au milieu de la foule. Désolé.
Dans ma fuite éperdue je cherche des yeux les plus grands buildings alentour, et me voici près de la fontaine (à sec, malheureusement) de Foley Square, entouré des bâtiments gigantesques de la Cour de Commerce International, de la Cour de l’Etat de New York et de la Cour fédérale. Pas le meilleur endroit pour faire l’imbécile.

Soccer fan

Un message de D. sur le portable ! Il me donne rendez-vous dans un pub sur la 33ème rue, pour Manchester-Milan en demi-finale de la LDC. Excellente idée, mais pour la première fois depuis mon arrivée, j’ai bel et bien le sentiment d’être perdu. C’est idiot, parce que je ne suis pas spécialement dans un coin paumé… A force de tourner ma carte dans tous les sens pour trouver la bonne station de métro, je commence à me demander si les Chinois ne m’ont pas jeté un sort (promis, j’arrête), avant de me décider à reprendre ma marche en avant, dans l’espoir de tomber rapidement sur une bonne vieille rue, et un panneau du genre « Broadway ».

Ces minutes d’égarement n’ayant pas fort heureusement pas duré, il est temps d’appeler D. pour lui confirmer ma venue. Au moment où je l’appelle pour lui dire, texto : « Je suis devant l’entrée du métro au coin de Chambers et de West Broadway, j’arrive dans un quart d’heure. », je ressens tout à coup une immense fierté. C’est tellement mieux que d’appeler sa mère pour lui dire « Je suis à l’arrêt de bus 24 sur la place de la Liberté, je rentre à la maison »…

Assis dans la rame de métro, je feuillette les pages sport du New York Post (les Mavs sont mal barrés) quand montent deux jeunes filles chargées de cartons de cornets de glaces (?) mais surtout qui portent des robes franchement collantes. Comme elles restent debout et me font face, elles ne voient pas derrière elles le gros type rouge à la mine patibulaire qui les fixe avec un sourire mauvais. J’ai probablement vu beaucoup trop de séries policières US, mais cet enfoiré m’inquiète : s’il descend au même arrêt qu’elles, faudra-t-il que j’aille trouver le premier flic qui se présente ? Courageusement, je décide que ça n’est pas mon problème. Bien vu, car le suspect va descendre en même temps que moi, non sans s’être rincé l’œil une dernière fois de façon obscène. Le vieux dégueulasse. Quand je pense que pour ne pas ressembler à ce pervers j’ai à peine osé lever les yeux vers ces filles pendant le trajet…

Je retrouve D. et un collègue, Tony, devant le Stout, où approximativement 45 écrans (8 ou 9 en réalité, mais quand même…) de télés vont nous permettre de suivre le match (ManU mène déjà 1-0). Ce tabouret est peut-être le meilleur de mon existence.
En attendant les bières, je me fais la réflexion suivante : non seulement D. a un bon job en plein cœur de Manhattan, mais en plus il peut s’absenter au milieu de l’après-midi pour aller boire des coups devant un match de foot ? D’accord, d’accord, il faut que j’arrête d’y penser : la jalousie est un sentiment exécrable.
Et puis je ne suis pas non plus spécialement malheureux : la bière est fraîche, le match excellent, et je parle américain avec un gars du cru qui a l’air de me comprendre (j’apprendrais plus tard que Tony était en fait portugais, ce qui minimisera la portée de ma performance).

Je tiens à signaler pour les sceptiques qu’il y a effectivement du monde dans le pub pour le soccer, et même un black en costard qui fera plusieurs aller-retour avec son bureau et sautera littéralement de joie après le but de Rooney pendant les arrêts de jeu. Probablement un Anglais, je le concède.

Récupération près de la pelouse

4:30 PM, sortie du pub, je me sens un peu saoul et totalement lessivé. Bien trop tôt pour rentrer, cependant, alors je passe juste au-dessous de l’Empire State Building, tout simplement colossal, et reprends la 5ème avenue. Autant pour trouver des toilettes que pour l’intérêt historique je rentre dans la NY Public Library, où je me contenterai des grands escaliers de marbre et de quelques gravures d’époque. L’heure du tourisme culturel est dépassée depuis bien longtemps.
Heureusement, derrière la bibliothèque, voici un petit coin de paradis : Bryant Park, son grand rectangle de pelouse verte, ses tables de jardins, ses parasols et ses yuppies qui fêtent la fin de journée en buvant des bières. Une chaise au bord du gazon n’attendait que moi, je m’affale et je regarde les buildings qui m’entourent. Je vous ai dit que j’adorais les buildings ?
Ne croyez pas ceux qui vous disent que le New York Post n'est qu'un torchon à mettre dans le même sac que les tabloids anglais. Bon, c'est entendu, les affaires de moeurs impliquant de pseudo-célébrités y tiennent une grande place, mais les éditos valent le coup. Aujourd'hui, une réflexion pas piquée des vers sur l'entre deux tours des élections françaises. Le journaliste se lâche, cite les pires statistiques économiques qu'il a pu trouver, explique que nous sommes foutus quoiqu'il arrive et conclut en disant que la France restera quand même sympa à visiter. Pour ses musées. Je me marre. Avec toutes les saletés sur les Etats-Unis qu'on lit à longueur de temps sous la plume de nos journalistes tellement intelligents et cultivés, ça ne fait pas de mal d'avoir droit à la version US. Une boucherie. Et moi qui ne me sens même pas concerné...

6:30 PM, le soleil a disparu depuis longtemps derrière les façades, je repars me fondre dans la masse des piétons en direction de Grand Central. Je me sens bien plus frais qu'une heure avant. Dans le métro bondé, je peux commencer à croire que je vais réussir à devenir un vrai New Yorkais en moins d'une semaine...

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