N’ayez pas peur, je sors de mon domaine de prédilection avec ce compte-rendu au jour le jour de mon week-end rennais début décembre. Vous allez appréciez mes petites aventures, j’en suis persuadé. La suite de ce reportage égocentrique viendra très vite.
JEUDI 07
Minuit. Maintenant que j’ai été abandonné par ma logeuse dans un bar de jeunes plein à craquer et diffusant de la musique de danse à fond les ballons, deux options se présentent à moi: rester là à boire de la bière et à regarder la « jeunesse de France » s'amuser, comme dans la chanson de Saez. (tiens, ça me fait penser, qu'est-il arrivé à ce chanteur rebelle du début du siècle? Est-ce qu'il n'aurait pas changé de coupe de cheveux, décidé de chanter des chansons pour jeunes femmes célibataires entre 18 et 35 ans, et enfin repris son vrai prénom: Raphaël? Je pose juste la question.)
L'autre option, vous l'avez deviné, consiste à sortir du bar pour continuer à s'alcooliser dans la rue. J'ai dû réfléchir un dixième de seconde.
Une fois à l'extérieur, mon objectif est de me mêler à la foule et de passer pour un jeune qui s'éclate. Je ne mets pas longtemps à répertorier les trois comportements de base qui vont me permettre de passer inaperçu:
- se trimballer une cannette à la main (même si une grande bouteille de Coca en plastique remplie d'un mélange douteux serait sans aucun doute l'idéal)
- faire pipi dans la rue
- vomir dans la rue
N'insistez pas, je ne vous dirai pas ce que j'ai fait. Sachez simplement que j'ai raté le grand chelem. De peu.
Après deux minutes passées à me mettre dans la peau d'un jeune, me voici déjà dans la peau d'un pervers, à suivre dans la rue une fille totalement désorientée qui s'arrête tous les trois pas pour vomir un peu de bave. La proie idéale pour un séducteur comme moi. Si jamais ça tourne mal et qu'on me pose des questions, je n'aurais qu'à dire que je la surveillais parce que j'avais peur qu'elle fasse un malaise ou qu'elle tombe sur une personne mal intentionnée. Bon, trente secondes de ce spectacle pathétique suffisent à me dégoûter, je la laisse filer.
Je me demande si elle est rentrée chez elle.
Une buvette improvisée devant un bar se dresse à présent sur ma route. J’imagine que passé un certain stade d’intoxication les gens se mettent à aimer la fumée de saucisses grasses en train de cuire parce qu’un joli petit attroupement s’est formé juste à cet endroit.
Je respire un grand coup avant de m’approcher pour découvrir que, ô surprise, ils vendent aussi des bières. Ce sera une Heineken pour moi, merci, et maintenant je vais pouvoir me promener en toute discrétion.
Un peu plus loin je passe sous les fenêtres d’un appartement où des étudiants de première année reprennent en chœur du Noir Désir comme s’ils venaient de découvrir l’existence du groupe la semaine précédente. Ça leur passera, bientôt comme moi ils auront honte de leur jeunesse.
Bon, après cette mise en condition il me tarde de me retrouver au cœur de l’action, dans ces deux ou trois rues dans lesquelles les chances de se faire aborder par une jeune fille ivre sont de 2,8 par dizaine de mètres parcourus.
Je m’enfonce dans le paquet, et effectivement, deux gorgées plus tard, voilà ma première touche. Vraiment jeune. Vraiment ivre. Elle veut une clope, mais comme personne ne peut cumuler tous les vices, je ne suis pas en mesure de la dépanner. J’essaie de lui expliquer ça en cinq ou six mots mais c’en est déjà trop pour elle qui déjà s’affale sur le prochain mec imbibé. Je suis à peu près sûr qu’elle va toucher le gros lot.
Je poursuis mon chemin en me faufilant parmi les groupes qui se tiennent par les épaules pour ne pas glisser sur les pavés humides. C’est moi, ou j’ai largement vu pire dans la rue de la soif ?
Pour un peu j’en viendrais presque à regretter l’absence d’émeute. D’ailleurs, où sont les CRS ? Je veux ma dose de lacrymo ! Rien que pour le sentiment de participer pleinement à la fête.
Justement, parlons-en de cette fête, des concerts dans les bars et de l’ « ambiance de folie » qui est censée régner ce soir. C’est vrai, pour se bourrer la gueule il y a tous les autres jeudis soirs de l’année, mais ce week-end on est là pour la musique (rires). Or, depuis le grand Bob Sinclar tout à l’heure dans le pub et hormis les débris communistes qui beuglaient l’Internationale entre deux cris inarticulés, je n’ai pas découvert beaucoup de jeunes talents.
Mais voilà que plus loin sur la petite place quelques hippies se sont réunis pour jouer du tam-tam (oui, je sais que ça ne s’appelle pas comme ça, mais je ne sais pas comment le mot auquel vous pensez s’écrit ; désolé, ça ne fait pas partie de ma culture).
Il fallait s’en douter, nos apprentis percussionnistes ne sont pas au point et je ne suis pas encore arrivé à leur niveau que leurs « pam-pam » me tapent déjà sur le système. Pourtant la fille qui est montée sur la sculpture municipale au-dessus d’eux semble passer le meilleur moment de son existence. Tant mieux pour elle, mais au moment de balancer ma cannette vide à la poubelle je suis bien obligé de constater que j’ai environ 20 bières de retard sur tous ces gens autour de moi. Et probablement 10 ans de trop. Pas franchement un scoop mais peut-être le signal qu’il est temps d’aller se coucher : et puis ces types jouent vraiment trop mal.
Je repars donc dans le sens inverse : pardon si je me répète, mais permettez-moi de vous dire que j’ai connu orgie bien plus démentielle dans cette rue. Comme quoi les nuits rennaises sont devenues très surfaites depuis que j’ai quitté la ville.
Une bachelière saoule se plaint à sa copine : « quand est-ce que je vais trouver un mec qui m’aime ? » Par acquit de conscience je me retourne au cas où je pourrais me porter candidat, lorsque les deux nanas poussent un cri perçant parce qu’elles viennent d’apercevoir une autre copine. Qui titube trois mètres plus loin.
J’accélère l’allure sous la pluie qui s’est mise à tomber sérieusement sur le chemin du retour quand je repense à ce type tout à l’heure que j’ai vu comater entre deux voitures garées sur la place. Est-ce que je n’aurais pas dû lui porter secours ? Est-ce qu’il ne va pas lui arriver un malheur, du genre se faire écrabouiller par une Clio qui recule ?
Tant pis, trop tard, mais si on compte la fille en perdition que j’ai suivie du regard en sortant du pub, ça fait DEUX non-assistances à personne en danger à mon actif pour la soirée. Pas mon record, je dois l’avouer, mais si ça fait de moi un criminel, j’assume totalement. Je n’aurai de comptes à rendre que le jour où je ferai face à mon Créateur.
Au total je crois que j’en ai vu assez pour ce soir et je suis déjà loin quand je croise mon dernier groupe de jeunes en goguette, dont l’un éclate de rire en désignant la capuche sur ma tête : foutus branleurs…
2 commentaires:
Me dis pas que t'as pris la peine d'aller faire pipi dans les sanisettes de l'ancienne rhumerie???
Vite vite les prochains épisodes!
A moins que tu ne préfères évoquer les superbes affiches de coupe de la ligue de cette semaine...
Ciao
ouais ça me rapelle les transmusicales 2003 avec les percusionnistes bidon rencontrer dans la rue les gens etait froid et le tam tam repousant jai fais demi tour aussi ce soir la , alors ton histoire ça me rapel des trucs ! mais pourtant jetais bourer et javais 22 ans !
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