Voilà. Nous y sommes. Après des jours et des jours de débats houleux, de prises de bec internes, de choix douloureux, d’omissions volontaires et de décisions surprises, j’y suis finalement arrivé.
Le Panthéon est constitué.
J’espère que ça n’aura pas été trop dur d’attendre, mais vous allez voir que ça valait le coup.
Un mot, simplement, sur les critères de sélection. Ils sont purement arbitraires, comme il se doit, mais la plupart des candidatures retenues remplissaient l’une ou l’autre des qualités suivantes :
- avoir fait du mal à l’Equipe de France.
- avoir joué à Brest.
- avoir rendu fous de rage les journalistes.
- avoir été un basketteur américain.
- m’avoir fait pleurer.
Je crois que nous pouvons commencer.
Et d’abord, ceux qui n’ont pas passé le cut :
Sitôt envisagés, sitôt éliminés : Patrick Chaslerie, Ronan Salaün, Maurice Bouquet, François Yvinec, Charly Chaker ou tout autre personnage impliqué dans l’aventure du Brest Armorique. Mais il y a une exception.
J’ai hésité un peu : Ronaldo, Ronaldinho, Danemark 1992, République Tchèque 1996, Horst Hrubesch, Andreas Brehme, Uruguay 2002, Jacques Glassmann, Israël 1993, Scottie Pippen.
Ils y étaient presque : Etoile Rouge de Belgrade 1991, Dream Team 1992, David Ginola, Pascal Feindouno, Cyrille Pouget.
Mais laissons les losers là où ils sont, et découvrons ensemble les élus.
Les tueurs de Bleurks
Emil Kostadinov (passé à la postérité le 17/11/1993)
Je dois vous avouer que j’ai failli le laisser de côté. Mais vous connaissant, vous auriez hurlé au scandale, et vous auriez eu raison. Car, en plus d’arborer une splendide coupe de cheveux, Kostadinov répond sans problème à deux des critères définis plus haut. En effet il restera à jamais l’homme qui, à la dernière minute, a empêché la France d’aller à la Coupe du Monde aux Etats-Unis.
Il y a quelques semaines encore il était LE joueur maudit par tous les supporters des Bleurks. Et je suis sûr qu’il donne toujours des cauchemars à Gérard Houllier.
Pourquoi si peu d’enthousiasme, alors ? Ne suis-je pas censé détester les Bleurks comme personne ? N’ai-je pas passé une Coupe du Monde entière à essayer de vous le prouver ? Bien sûr que oui. Mais 93, c’était il y a très longtemps. Si je peux me permettre de jouer les vieux cons, c’était une autre époque. La popularité de l’Equipe de France était quasi-nulle. De même pour son niveau de jeu. Amusez-vous à retrouver l’effectif de cette nuit de novembre. Vous n’allez pas en croire vos yeux. Pour autant que je sache, le pays ne se sentait pas vraiment concerné par cette équipe. Et moi non plus. Oh, j’avais regardé ce match, c’est entendu, et sans aucun doute ricané (pas de vidéo pour le prouver, hélas) en voyant la détresse de Papin, Deschamps et compagnie. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître aujourd’hui, ce n’était que l’Equipe de France. Rien à voir avec Marseille, sur laquelle toute ma haine se déversait à l’époque. Sur le moment, la France éliminée, ce n’était qu’une péripétie. Plaisante, certes, mais sans qu’il y ait à sauter au plafond.
Le Panthéon est constitué.
J’espère que ça n’aura pas été trop dur d’attendre, mais vous allez voir que ça valait le coup.
Un mot, simplement, sur les critères de sélection. Ils sont purement arbitraires, comme il se doit, mais la plupart des candidatures retenues remplissaient l’une ou l’autre des qualités suivantes :
- avoir fait du mal à l’Equipe de France.
- avoir joué à Brest.
- avoir rendu fous de rage les journalistes.
- avoir été un basketteur américain.
- m’avoir fait pleurer.
Je crois que nous pouvons commencer.
Et d’abord, ceux qui n’ont pas passé le cut :
Sitôt envisagés, sitôt éliminés : Patrick Chaslerie, Ronan Salaün, Maurice Bouquet, François Yvinec, Charly Chaker ou tout autre personnage impliqué dans l’aventure du Brest Armorique. Mais il y a une exception.
J’ai hésité un peu : Ronaldo, Ronaldinho, Danemark 1992, République Tchèque 1996, Horst Hrubesch, Andreas Brehme, Uruguay 2002, Jacques Glassmann, Israël 1993, Scottie Pippen.
Ils y étaient presque : Etoile Rouge de Belgrade 1991, Dream Team 1992, David Ginola, Pascal Feindouno, Cyrille Pouget.
Mais laissons les losers là où ils sont, et découvrons ensemble les élus.
Les tueurs de Bleurks
Emil Kostadinov (passé à la postérité le 17/11/1993)
Je dois vous avouer que j’ai failli le laisser de côté. Mais vous connaissant, vous auriez hurlé au scandale, et vous auriez eu raison. Car, en plus d’arborer une splendide coupe de cheveux, Kostadinov répond sans problème à deux des critères définis plus haut. En effet il restera à jamais l’homme qui, à la dernière minute, a empêché la France d’aller à la Coupe du Monde aux Etats-Unis.
Il y a quelques semaines encore il était LE joueur maudit par tous les supporters des Bleurks. Et je suis sûr qu’il donne toujours des cauchemars à Gérard Houllier.
Pourquoi si peu d’enthousiasme, alors ? Ne suis-je pas censé détester les Bleurks comme personne ? N’ai-je pas passé une Coupe du Monde entière à essayer de vous le prouver ? Bien sûr que oui. Mais 93, c’était il y a très longtemps. Si je peux me permettre de jouer les vieux cons, c’était une autre époque. La popularité de l’Equipe de France était quasi-nulle. De même pour son niveau de jeu. Amusez-vous à retrouver l’effectif de cette nuit de novembre. Vous n’allez pas en croire vos yeux. Pour autant que je sache, le pays ne se sentait pas vraiment concerné par cette équipe. Et moi non plus. Oh, j’avais regardé ce match, c’est entendu, et sans aucun doute ricané (pas de vidéo pour le prouver, hélas) en voyant la détresse de Papin, Deschamps et compagnie. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître aujourd’hui, ce n’était que l’Equipe de France. Rien à voir avec Marseille, sur laquelle toute ma haine se déversait à l’époque. Sur le moment, la France éliminée, ce n’était qu’une péripétie. Plaisante, certes, mais sans qu’il y ait à sauter au plafond.
C’est rétrospectivement que l’exploit (c’en était réellement un. Vérifiez par vous-même) de Kostadinov prend finalement toute sa valeur. Je n’ai pas d’autre exemple d’une équipe privée de Coupe du Monde à la dernière seconde. Encore moins quand un match nul lui suffisait sur les deux derniers matches (à domicile contre Israël et Bulgarie). Et puis, sans Emil, l’Equipe de France serait allé aux USA et, sans vouloir se faire peur, elle aurait peut-être trouvé le moyen de gagner la Coupe du Monde ! Le cauchemar en bleurk aurait commencé quatre ans plus tôt !
C’est pourquoi je ne pouvais me résoudre à abandonner Kostadinov aux portes de mon Panthéon. Pour tout ce qu’il nous a évité.
Papa Bouba Diop (passé à la postérité le 31/05/2002)
Avec le Sénégalais, nous célébrons l’apparition d’une autre catégorie de joueurs. Ceux qui ont tué les « Champions du Monde ! » J’ai déjà parlé de ce match d’ouverture historique (anciennement n°2 sur la liste de « Mes 9 plus grands bonheurs en bleu »), de mon dégoût avant cette Coupe du Monde dont les Bleurks étaient archi-favoris et de ma joie inoubliable d’après match. Que dire maintenant à propos de Bouba Diop le buteur ? Pas grand-chose. Je sais qu’il jouait à Lens et qu’il est parti en Angleterre après la Corée. Je sais aussi que je n’en ai plus entendu parler depuis. Je ne suis pas sûr de vouloir. Je n’ai pas envie de googler « Bouba Diop » et de trouver quelque chose d’embarrassant. Cet homme est un héros. Point à la ligne.
Dennis Rommedahl et Jon Dahl Tomasson (passés à la postérité le 11/06/2002)
Ils ont mérité mille fois leur place ici pour avoir planté les deux derniers clous dans le cercueil coréen des Bleurks. Il est facile aujourd’hui d’évoquer le fiasco de 2002 en disant que l’Equipe de France était nulle, fatiguée, et qu’elle ne « méritait pas de passer le premier tour ». Peut-être. Mais si vous faites un léger effort de mémoire pour vous ramener quelques semaines en arrière, vous serez d’accord avec moi pour dire que cette année, c’était exactement la même chose. Vous vous souvenez de France-Suisse et de France-Corée ? Grands matches, non ? Hélas, après ça, les Bleurks ont battu le Togo, et voyez où ça les a menés.
En 2002, malheureusement pour eux, ils avaient dû affronter une véritable équipe de foot lors du troisième match décisif. Croyez-moi, sans Rommedahl, Tomasson et leurs petits copains danois, nous garderions tous un souvenir très différent de 2002. Encore une fois, merci.
Angelos Charisteas (passé à la postérité le 25/06/2004)
Mon Dieu, ce que ces Grecs étaient pénibles à voir jouer ! Et comme j’étais heureux quand ils ont éliminé les Bleurks ! Etant l’unique buteur de ce match, Charisteas se retrouve donc automatiquement dans ce Panthéon.
J’aimerais également souligner un fait intéressant passé inaperçu à l’époque. Après sa tête victorieuse, Charisteas, fou de joie, court vers les bancs, soulève son maillot blanc, et dévoile un T-shirt au nom de Micoud, son partenaire français du Werder de Brême, non sélectionné par Santini. Totalement fou, et pourtant absolument authentique.
Quelle idée géniale pour humilier un adversaire… Je crois que personne n’a jamais fait mieux. En toute objectivité, c’est l’enchaînement parfait : non seulement Charisteas marque le but décisif, ce qui fait déjà assez mal en soi, mais il va parachever son œuvre avec ce T-shirt, façon de dire au sélectionneur adverse « Hé, couillon, si t’avais sélectionné mon pote, t’aurais peut-être pu gagner ce match ! »
Plus j’y pense, plus j’adore ce geste. Le seul équivalent valable aurait été de voir Ronaldinho marquer contre la France (on peut toujours rêver), puis se précipiter vers Domenech pour lui mettre sous le nez un T-shirt GIULY. J’aurais tué pour voir ça.
Marco Materazzi et Fabio Grosso (passés à la postérité le 09/07/2006)
Plusieurs années sont en général nécessaires avant de pouvoir postuler pour le Panthéon. La procédure peut toutefois, dans certaines circonstances exceptionnelles, être accélérée. Je ne pense pas que le choix d’introniser ces deux joueurs aussi rapidement soit un jour contesté.
Et c’est tout ce que j’aurais à dire.
NB : les joueurs suivants se voient attribuer une mention spéciale pour leur participation à la séance de tirs au but lors de la finale de la Coupe du Monde de la FIFA 2006 au Stade Olympique de Berlin : Gianluigi Buffon, Andrea Pirlo, Daniele De Rossi, Alessandro Del Piero.
Mes amis américains
Michael Jordan
Quoi ? MJ dans le Panthéon ? Quel manque d’originalité, quel conformisme… Jordan a déjà une place dans tous les Panthéons de la Terre…
C’est entendu, tous les « experts » un peu sérieux s’accordent à dire que seuls Pelé et Ali évoluent au même niveau que Jordan et pourraient lui contester le titre de « Plus Grand Sportif de Tous Les Temps ». Exagéré, vous croyez ? Pas un seul instant. Jordan a TOUT gagné. Et radicalement transformé son sport.
Je n’ai pas envie de me lancer dans un long résumé de sa carrière. Si vous n’en connaissez pas les grandes lignes, renseignez-vous. Sachez simplement que Michael Jordan, en plus d’être un athlète exceptionnel, était surtout un compétiteur maladif. Dans tous les aspects de sa vie. Et sur un terrain de basket, cela se traduisait de cette façon : game-winning shots.
Maintenant, si vous voulez savoir pourquoi je ne pouvais laisser Jordan en dehors de mon Panthéon, laissez-moi vous raconter un histoire : « Mon premier match de NBA ! »
C’était le premier match de la finale entre Chicago et Portland, en juin 92. Je savais qui était Michael Jordan, j’étais au courant pour les chaussures, et mon attention envers le « basket américain » avait été attirée par quelques bouts de matches aperçus sur Canal. Mais je n’avais jamais vu la star. Je ne suis pas sûr qu’à l’époque je savais à quoi il ressemblait. Alors j’ai décidé que ça allait changer. Je me suis levé à 2h du matin pour regarder le match. Et, oui, beaucoup de choses ont changé pour moi cette nuit-là. Jordan a marqué 35 points durant la seule première mi-temps (record à battre) dont 6 paniers à trois points (record à battre, à nouveau), rendant absolument fous les défenseurs, la salle de Chicago, les commentateurs américains et étrangers (George Eddy, dont l’accent était alors bien plus épais qu’aujourd’hui, a failli y passer : « Unbelievable, Jordan, Jordan, Jordaaaan ! » « Ba ba ba ba ba c’est pas possiiiible ! » « Oh no, arrêtez ! »), les dizaines de millions de téléspectateurs et un pauvre type comme moi qui n’en croyait pas ses yeux. Jordan, lui-même, semblait incrédule : regardez la vidéo.
Et vous vous demandez pourquoi après ça j’ai passé des années à le regarder jouer.
Shawn Kemp
Retour en 92. Je venais de voir Jordan et ses Bulls remporter un deuxième titre consécutif, et ma décision était prise : j’allais me mettre à suivre sérieusement la NBA. Apprendre le nom des équipes, savoir reconnaître les joueurs, comprendre le système des divisions et des conférences, suivre les scores et l’évolution des classements jour après jour, etc.
J’avais donc un nouveau but dans la vie. Et n’oubliez pas que c’était AVANT Internet (les historiens du futur diront que notre civilisation était encore primitive), et qu’il fallait donc une énorme motivation pour atteindre ces objectifs. Tant bien que mal, j’y suis arrivé. Restait alors le plus important. Il me fallait une équipe. Comment se passionner pleinement pour un sport sans être un supporter ? Ma motivation risquait de s’essouffler rapidement en l’absence d’une équipe favorite. Mais laquelle choisir ? Chicago semblait être un choix trop évident, ils étaient les meilleurs et cela n’avait aucun sens de devenir leur supporter. Je ne voulais pas non plus des franchises historiques comme les Lakers, les Knicks ou les Celtics. J’avais besoin de pouvoir m’identifier un minimum avec une équipe.
Et c’est là où j’ai pensé à Seattle. La ville de Boeing, de Microsoft, du café et de la pluie. Et surtout celle du grunge. Kurt Cobain était toujours en vie, mes jeans étaient troués aux genoux et mes cheveux n’en finissaient plus de pousser. Seattle était le seul choix logique. De plus, au point de vue basket, les SuperSonics étaient une équipe jeune et pleine de promesses, je ne risquais donc pas de me retrouver avec une bande de losers.
Je n’ai pas tardé à me rendre compte à quel point mon choix était excellent. Les Sonics étaient alors emmenés par le duo le plus spectaculaire de la ligue, avec Gary Payton à la mène et Shawn Kemp à la finition.
Kemp était incroyable. Sa gueule, sa démarche, sa rage étaient inégalables. Non seulement il savait jouer au basket (six fois All-Star) mais c’était surtout un des joueurs les plus spectaculaires de l’histoire, et sans aucun doute le dunker le plus FEROCE qui ait jamais existé. Pas aussi élégant que Jordan (faites-vous plaisir ici), pas aussi haut que Vince Carter (regardez ce dunk sur Zo Mourning la saison dernière : il n’y a pas de mots pour le décrire) mais plus intense, plus méchant que n’importe qui.
Hélas, Kemp n’aura pas eu la carrière qu’il méritait. Après une finale perdue en 96 contre Jordan où il sera le meilleur joueur sur le parquet, les dirigeants de Seattle vont accumuler les décisions catastrophiques et finiront par échanger leur star, qui se retrouvera à Cleveland. Kemp y fera encore deux très bonnes saisons avant la fameuse grève de 98-99, qui lui sera fatale. Quand le championnat finit par reprendre, Kemp a doublé de volume. Il est énorme. Et désormais c’est dans la rubrique fait-divers qu’il fera le plus souvent la une : problème de poids, donc, mais aussi de coke, d’alcool, et d’enfants illégitimes. (sept, au dernier pointage)
Il terminera sa carrière en 2003 à Orlando. J’ai vu un de ses derniers matches sur Canal+. J’avais vraiment mal pour lui.
Heureusement, il me reste les souvenirs de la grande époque des Sonics, et YouTube. A la fin de cette vidéo, vous allez voir un dunk (contre Golden State, en bleu) repasser à plusieurs reprises. Une seconde de folie pure. Malgré Vince Carter, j’attends toujours que quelqu’un fasse mieux.
Lance Armstrong
A l’occasion d’un dîner en ville, amusez-vous à évoquer en termes flatteurs ce champion cycliste. Vous pouvez être sûr que les autres convives ne resteront pas indifférents à vos éloges : « Dopé ! », « Sale Ricain ! », « Texan de m… ! », « C’est un pote à Bush ! », « En plus il a insulté les Bleus ! »
Voilà précisément toutes les raisons pour lesquelles j’aime Lance, et c’est tout naturellement que je lui fais une place dans mon Panthéon. Avoir remporté sept Tour de France consécutifs est certes extraordinaire, mais cela n’aurait pas suffit sans le reste. Indurain en a gagné cinq, et je n’ai songé à lui à aucun moment pour faire partie de cette liste.
Car ce qui était génial dans les dernières victoires d’Armstrong, c’était que la France entière, journalistes en tête, voulait le voir échouer, mais que rien n’y faisait. Lance continuait à gagner des étapes en serrant le point à l’arrivée. Et les journalistes n’avaient plus qu’à se lamenter : « On voit mal qui pourrait empêcher Armstrong de gagner un nouveau Tour cette année… » Sûrement pas un français.
Quant à ses dernières déclarations sur l’Equipe de France, je ne peux les qualifier autrement que de délicieuses. C’était avant tout une mauvaise blague dans un show de remise de prix (la preuve ici. Vous avez intérêt à comprendre l’anglais) mais c’est la réaction offusquée de nos chers média qui lui a donné toute sa saveur. Bien vu, Lance.
Ils m’ont fait pleurer
Brésil 1982
J’avais 8 ans. Ils avaient une équipe géniale (Zico, Socrates, Falcao, Junior), ils jouaient le plus beau football de la Terre, j’avais leur magnifique maillot sur les épaules (je répète : j’avais 8 ans), je voulais qu’ils gagnent tous les matches et qu’ils soulèvent la Coupe. Et puis ils ont joué contre l’Italie, c’était un match incroyable, et ils ont perdu 3-2. Eliminés de la Coupe du Monde.
C’est la dernière fois que j’ai pleuré à cause d’un match de foot.
J’avais 8 ans.
Le Plus Grand Joueur de Football de L’Histoire de Brest
Roberto Cabanas
La légende vivante. Né au Paraguay en 61, acheté très jeune par le Cosmos de New York, où il joue aux côtés de Beckenbauer et devient meilleur buteur de la défunte ligue pro américaine. Cliquez ici et admirez le travail. Il passe ensuite trois saisons à l’America Cali, en Colombie, et devient la star de l’équipe, la menant à trois finales consécutives de Copa Libertadores.
Et c’est alors que Roberto va faire son apparition dans ma vie.
Saison 87-88. Brest souffre le martyre en D1. L’équipe n’est tout simplement pas assez bonne. Il lui faut un vrai joueur de foot. Ne me demandez pas comment, mais le bon président Yvinec a déniché la perle rare en Amérique du sud.
Nous sommes en novembre, et les journaux annoncent déjà la venue du sauveur. Seul problème, les Colombiens ne veulent plus le lâcher. Yvinec fait le déplacement pour trouver un arrangement, et alors qu’on croit que tout va se régler, l’affaire se complique encore. On nous dit que Cabanas veut partir, mais que les Colombiens l’ont mis sous bonne garde. De folles rumeurs circulent, on parle de « séquestration » d’Yvinec et de son interprète par les trafiquants de drogue qui dirigent le club (rappelez-vous, c’est la Colombie des années 80), tandis que les choses s’éternisent. On apprendra plus tard que l’interprète était aussi la maîtresse d’Yvinec, ce qui m’amène à m’interroger sur les conditions de la « séquestration ». Mais la bonne nouvelle finit par arriver : « Ils sont libres ! »
Après des semaines d’une affaire qui a mis en émoi tout une ville, l’avion ramenant Cabanas se pose sur l’aéroport de Brest-Guipavas. Nous sommes le samedi 19 décembre 1987. Je peux en parler, j’y étais. Je peux parler de la foule et des cris de joie. Inouï. Roberto n’a eu qu’à poser le pied en terre brestoise, et il était déjà un héros. (NB : tous les évènements rapportés à partir de maintenant figurent sur la mythique cassette VHS « La Fabuleuse Histoire du Foot à Brest », avec bien évidemment Roberto en couverture. Vous ne l’avez pas ? Dommage, car elle est totalement introuvable aujourd’hui. Et, non, je ne la vends pas.) Et comme si cette journée n’était pas déjà assez belle, le soir même, Brest bat Marseille, 2-1, avec Roberto dans les tribunes. Vous parlez d’une arrivée en fanfare.
Malheureusement, l’euphorie sera de courte durée, car la Ligue, dans sa bêtise insondable, n’autorise pas Cabanas à jouer avant le 1er juillet (je n’arrive toujours pas à croire comment cela a pu arriver. Plus de 6 mois avant d’être qualifié ! Ils nous ont privé de 6 mois de Roberto ! Mais justice a finalement été faite : Jean Sadoul pourrit en enfer depuis déjà un bon moment. J’espère qu’il y souffrira pour l’éternité) et Brest descend finalement en D2. Roberto y fait des merveilles, accompagné par Binic (futur membre de l’équipe de l’Etoile Rouge vainqueur de Marseille en finale de la Coupe d’Europe, ce qui mérite bien une mention dans le Panthéon) et porte l’équipe jusqu’aux barrages. A ce propos la Ligue devrait songer à remettre ce système insensé au goût du jour. C’étaient les matches les plus acharnés que l’on puisse imaginer, une question de vie ou de mort. Sérieusement, Canal+ devrait exiger le retour des barrages. Ne me dites pas que vous ne regarderiez pas un Caen-Ajaccio ou un Sochaux-Créteil décisif pour une place en Ligue 1.
Bon, revenons à notre sujet. Cette année-là, donc, après avoir sorti Le Havre et Nîmes, Strasbourg se dressait en dernier rempart sur la route de Brest vers la D1. Le 2-2 en Alsace était un bon résultat (je me rappelle le stress en écoutant la radio), restait à conclure à domicile. Et là, dans un stade Francis-Le-Blé plein à craquer (façon Heysel), c’est Roberto qui marque l’unique but du match et qui envoie Brest en D1… Le terrain est envahi, Roberto porté en triomphe. Enfin nous allions retrouver notre place. La folie du transfert de Cabanas était définitivement justifiée.
Sa seule et unique saison dans l’élite avec Brest (il fut ensuite transféré à Lyon) fut remplie de grands moments. La victoire contre Bordeaux, par exemple, ou ce match contre Metz où il évite le but d’un retourné acrobatique sur la ligne avant de nous donner la victoire quelques minutes plus tard. Les portes du Panthéon lui étaient d’ores et déjà grandes ouvertes, et puis est arrivé LE match.
Quand Marseille se pointe avec ses stars à Brest, le 24 mars 1990, la tension est énorme. En plus de l'évènement constitué par le mathc en lui-même, la presse s’est fait l’écho dans la semaine d’une tentative de corruption sur la personne de Roberto (des accusations sans fondement, bien sûr. L’histoire marseillaise future le prouvera amplement, s’il en était besoin). Comme si j’avais besoin de ça pour vouloir à tout prix les battre.
Ce samedi soir, le stade est rempli dans des proportions strasbourgeoises, et je me tiens debout dans ma tribune habituelle, prêt à exulter. Mais Marseille ouvre très vite le score par Bruno Germain. Catastrophe. Abattement, colère, envie de gueuler encore plus fort, l’angoisse monte d’un cran mais je ne veux toujours pas envisager le pire car non, Marseille ne peut pas venir gagner chez nous.
Oh non, ils ne peuvent pas le faire : Roberto égalise ! Castaneda s’est troué, et les Marseillais ne vont pas s’en remettre. Car Brest se met à y croire, pousse, et quelques minutes plus tard (nous sommes toujours en première mi-temps) obtient un bon coup-franc aux vingt mètres. Roberto a marqué du même endroit un mois plus tôt contre Bordeaux. Le stade entier le sait. Il va le refaire. Je ne tiens plus en place : « Allez, Roberto, mets-là, nom de D… » Et Cabanas s’élance, frappe dans le ballon…
Ai-je encore besoin de vous dire ce qui est arrivé ? Je ne crois pas avoir jamais crié plus fort ni sauté plus haut. Je n’essaierai même pas de décrire l’ambiance au moment où la balle est entrée dans la lucarne. A dire vrai, je suis en train de taper ces mots dans un brouillard de larmes. J’ai besoin d’un instant pour reprendre mes esprits.
Bien. Je vais tenter de poursuivre.
Brest tiendra ensuite toute la seconde mi-temps, Marseille perdra ses nerfs et Papin se fera même expulser dans le délire général pour un mauvais coup en fin de match. Le triomphe est total. Encore une fois, nous avons battu Marseille, et c’est Roberto qui l’a fait. Mes pieds ne vont plus toucher le sol pendant des semaines. (Notez que même les plus belles histoires ont aussi leur part d'ombre. J'ai en effet assisté à ce match historique en compagnie d'un de mes cousins alors enthousiaste mais qui, quelques années plus tard, se révèlera être un fan de Marseille. Même si je pense être capable de lui pardonner un jour, c'est le genre de trahison qui fait mal. Et toute ma vie cette question restera en suspens: était-il sincère ce soir-là?)
Je sais que je ne vivrai jamais un autre match comme celui-là. C'est le zénith absolu de ma vie de fan. Certains diront que c’est pathétique, ils parleront de titres ou de coupes, je leur répondrai juste qu’ils ne comprennent rien.
Je n’échangerais cette victoire contre aucune breloque.
Et Roberto est à jamais un héros.
C’est pourquoi je ne pouvais me résoudre à abandonner Kostadinov aux portes de mon Panthéon. Pour tout ce qu’il nous a évité.
Papa Bouba Diop (passé à la postérité le 31/05/2002)
Avec le Sénégalais, nous célébrons l’apparition d’une autre catégorie de joueurs. Ceux qui ont tué les « Champions du Monde ! » J’ai déjà parlé de ce match d’ouverture historique (anciennement n°2 sur la liste de « Mes 9 plus grands bonheurs en bleu »), de mon dégoût avant cette Coupe du Monde dont les Bleurks étaient archi-favoris et de ma joie inoubliable d’après match. Que dire maintenant à propos de Bouba Diop le buteur ? Pas grand-chose. Je sais qu’il jouait à Lens et qu’il est parti en Angleterre après la Corée. Je sais aussi que je n’en ai plus entendu parler depuis. Je ne suis pas sûr de vouloir. Je n’ai pas envie de googler « Bouba Diop » et de trouver quelque chose d’embarrassant. Cet homme est un héros. Point à la ligne.
Dennis Rommedahl et Jon Dahl Tomasson (passés à la postérité le 11/06/2002)
Ils ont mérité mille fois leur place ici pour avoir planté les deux derniers clous dans le cercueil coréen des Bleurks. Il est facile aujourd’hui d’évoquer le fiasco de 2002 en disant que l’Equipe de France était nulle, fatiguée, et qu’elle ne « méritait pas de passer le premier tour ». Peut-être. Mais si vous faites un léger effort de mémoire pour vous ramener quelques semaines en arrière, vous serez d’accord avec moi pour dire que cette année, c’était exactement la même chose. Vous vous souvenez de France-Suisse et de France-Corée ? Grands matches, non ? Hélas, après ça, les Bleurks ont battu le Togo, et voyez où ça les a menés.
En 2002, malheureusement pour eux, ils avaient dû affronter une véritable équipe de foot lors du troisième match décisif. Croyez-moi, sans Rommedahl, Tomasson et leurs petits copains danois, nous garderions tous un souvenir très différent de 2002. Encore une fois, merci.
Angelos Charisteas (passé à la postérité le 25/06/2004)
Mon Dieu, ce que ces Grecs étaient pénibles à voir jouer ! Et comme j’étais heureux quand ils ont éliminé les Bleurks ! Etant l’unique buteur de ce match, Charisteas se retrouve donc automatiquement dans ce Panthéon.
J’aimerais également souligner un fait intéressant passé inaperçu à l’époque. Après sa tête victorieuse, Charisteas, fou de joie, court vers les bancs, soulève son maillot blanc, et dévoile un T-shirt au nom de Micoud, son partenaire français du Werder de Brême, non sélectionné par Santini. Totalement fou, et pourtant absolument authentique.
Quelle idée géniale pour humilier un adversaire… Je crois que personne n’a jamais fait mieux. En toute objectivité, c’est l’enchaînement parfait : non seulement Charisteas marque le but décisif, ce qui fait déjà assez mal en soi, mais il va parachever son œuvre avec ce T-shirt, façon de dire au sélectionneur adverse « Hé, couillon, si t’avais sélectionné mon pote, t’aurais peut-être pu gagner ce match ! »
Plus j’y pense, plus j’adore ce geste. Le seul équivalent valable aurait été de voir Ronaldinho marquer contre la France (on peut toujours rêver), puis se précipiter vers Domenech pour lui mettre sous le nez un T-shirt GIULY. J’aurais tué pour voir ça.
Marco Materazzi et Fabio Grosso (passés à la postérité le 09/07/2006)
Plusieurs années sont en général nécessaires avant de pouvoir postuler pour le Panthéon. La procédure peut toutefois, dans certaines circonstances exceptionnelles, être accélérée. Je ne pense pas que le choix d’introniser ces deux joueurs aussi rapidement soit un jour contesté.
Et c’est tout ce que j’aurais à dire.
NB : les joueurs suivants se voient attribuer une mention spéciale pour leur participation à la séance de tirs au but lors de la finale de la Coupe du Monde de la FIFA 2006 au Stade Olympique de Berlin : Gianluigi Buffon, Andrea Pirlo, Daniele De Rossi, Alessandro Del Piero.
Mes amis américains
Michael Jordan
Quoi ? MJ dans le Panthéon ? Quel manque d’originalité, quel conformisme… Jordan a déjà une place dans tous les Panthéons de la Terre…
C’est entendu, tous les « experts » un peu sérieux s’accordent à dire que seuls Pelé et Ali évoluent au même niveau que Jordan et pourraient lui contester le titre de « Plus Grand Sportif de Tous Les Temps ». Exagéré, vous croyez ? Pas un seul instant. Jordan a TOUT gagné. Et radicalement transformé son sport.
Je n’ai pas envie de me lancer dans un long résumé de sa carrière. Si vous n’en connaissez pas les grandes lignes, renseignez-vous. Sachez simplement que Michael Jordan, en plus d’être un athlète exceptionnel, était surtout un compétiteur maladif. Dans tous les aspects de sa vie. Et sur un terrain de basket, cela se traduisait de cette façon : game-winning shots.
Maintenant, si vous voulez savoir pourquoi je ne pouvais laisser Jordan en dehors de mon Panthéon, laissez-moi vous raconter un histoire : « Mon premier match de NBA ! »
C’était le premier match de la finale entre Chicago et Portland, en juin 92. Je savais qui était Michael Jordan, j’étais au courant pour les chaussures, et mon attention envers le « basket américain » avait été attirée par quelques bouts de matches aperçus sur Canal. Mais je n’avais jamais vu la star. Je ne suis pas sûr qu’à l’époque je savais à quoi il ressemblait. Alors j’ai décidé que ça allait changer. Je me suis levé à 2h du matin pour regarder le match. Et, oui, beaucoup de choses ont changé pour moi cette nuit-là. Jordan a marqué 35 points durant la seule première mi-temps (record à battre) dont 6 paniers à trois points (record à battre, à nouveau), rendant absolument fous les défenseurs, la salle de Chicago, les commentateurs américains et étrangers (George Eddy, dont l’accent était alors bien plus épais qu’aujourd’hui, a failli y passer : « Unbelievable, Jordan, Jordan, Jordaaaan ! » « Ba ba ba ba ba c’est pas possiiiible ! » « Oh no, arrêtez ! »), les dizaines de millions de téléspectateurs et un pauvre type comme moi qui n’en croyait pas ses yeux. Jordan, lui-même, semblait incrédule : regardez la vidéo.
Et vous vous demandez pourquoi après ça j’ai passé des années à le regarder jouer.
Shawn Kemp
Retour en 92. Je venais de voir Jordan et ses Bulls remporter un deuxième titre consécutif, et ma décision était prise : j’allais me mettre à suivre sérieusement la NBA. Apprendre le nom des équipes, savoir reconnaître les joueurs, comprendre le système des divisions et des conférences, suivre les scores et l’évolution des classements jour après jour, etc.
J’avais donc un nouveau but dans la vie. Et n’oubliez pas que c’était AVANT Internet (les historiens du futur diront que notre civilisation était encore primitive), et qu’il fallait donc une énorme motivation pour atteindre ces objectifs. Tant bien que mal, j’y suis arrivé. Restait alors le plus important. Il me fallait une équipe. Comment se passionner pleinement pour un sport sans être un supporter ? Ma motivation risquait de s’essouffler rapidement en l’absence d’une équipe favorite. Mais laquelle choisir ? Chicago semblait être un choix trop évident, ils étaient les meilleurs et cela n’avait aucun sens de devenir leur supporter. Je ne voulais pas non plus des franchises historiques comme les Lakers, les Knicks ou les Celtics. J’avais besoin de pouvoir m’identifier un minimum avec une équipe.
Et c’est là où j’ai pensé à Seattle. La ville de Boeing, de Microsoft, du café et de la pluie. Et surtout celle du grunge. Kurt Cobain était toujours en vie, mes jeans étaient troués aux genoux et mes cheveux n’en finissaient plus de pousser. Seattle était le seul choix logique. De plus, au point de vue basket, les SuperSonics étaient une équipe jeune et pleine de promesses, je ne risquais donc pas de me retrouver avec une bande de losers.
Je n’ai pas tardé à me rendre compte à quel point mon choix était excellent. Les Sonics étaient alors emmenés par le duo le plus spectaculaire de la ligue, avec Gary Payton à la mène et Shawn Kemp à la finition.
Kemp était incroyable. Sa gueule, sa démarche, sa rage étaient inégalables. Non seulement il savait jouer au basket (six fois All-Star) mais c’était surtout un des joueurs les plus spectaculaires de l’histoire, et sans aucun doute le dunker le plus FEROCE qui ait jamais existé. Pas aussi élégant que Jordan (faites-vous plaisir ici), pas aussi haut que Vince Carter (regardez ce dunk sur Zo Mourning la saison dernière : il n’y a pas de mots pour le décrire) mais plus intense, plus méchant que n’importe qui.
Hélas, Kemp n’aura pas eu la carrière qu’il méritait. Après une finale perdue en 96 contre Jordan où il sera le meilleur joueur sur le parquet, les dirigeants de Seattle vont accumuler les décisions catastrophiques et finiront par échanger leur star, qui se retrouvera à Cleveland. Kemp y fera encore deux très bonnes saisons avant la fameuse grève de 98-99, qui lui sera fatale. Quand le championnat finit par reprendre, Kemp a doublé de volume. Il est énorme. Et désormais c’est dans la rubrique fait-divers qu’il fera le plus souvent la une : problème de poids, donc, mais aussi de coke, d’alcool, et d’enfants illégitimes. (sept, au dernier pointage)
Il terminera sa carrière en 2003 à Orlando. J’ai vu un de ses derniers matches sur Canal+. J’avais vraiment mal pour lui.
Heureusement, il me reste les souvenirs de la grande époque des Sonics, et YouTube. A la fin de cette vidéo, vous allez voir un dunk (contre Golden State, en bleu) repasser à plusieurs reprises. Une seconde de folie pure. Malgré Vince Carter, j’attends toujours que quelqu’un fasse mieux.
Lance Armstrong
A l’occasion d’un dîner en ville, amusez-vous à évoquer en termes flatteurs ce champion cycliste. Vous pouvez être sûr que les autres convives ne resteront pas indifférents à vos éloges : « Dopé ! », « Sale Ricain ! », « Texan de m… ! », « C’est un pote à Bush ! », « En plus il a insulté les Bleus ! »
Voilà précisément toutes les raisons pour lesquelles j’aime Lance, et c’est tout naturellement que je lui fais une place dans mon Panthéon. Avoir remporté sept Tour de France consécutifs est certes extraordinaire, mais cela n’aurait pas suffit sans le reste. Indurain en a gagné cinq, et je n’ai songé à lui à aucun moment pour faire partie de cette liste.
Car ce qui était génial dans les dernières victoires d’Armstrong, c’était que la France entière, journalistes en tête, voulait le voir échouer, mais que rien n’y faisait. Lance continuait à gagner des étapes en serrant le point à l’arrivée. Et les journalistes n’avaient plus qu’à se lamenter : « On voit mal qui pourrait empêcher Armstrong de gagner un nouveau Tour cette année… » Sûrement pas un français.
Quant à ses dernières déclarations sur l’Equipe de France, je ne peux les qualifier autrement que de délicieuses. C’était avant tout une mauvaise blague dans un show de remise de prix (la preuve ici. Vous avez intérêt à comprendre l’anglais) mais c’est la réaction offusquée de nos chers média qui lui a donné toute sa saveur. Bien vu, Lance.
Ils m’ont fait pleurer
Brésil 1982
J’avais 8 ans. Ils avaient une équipe géniale (Zico, Socrates, Falcao, Junior), ils jouaient le plus beau football de la Terre, j’avais leur magnifique maillot sur les épaules (je répète : j’avais 8 ans), je voulais qu’ils gagnent tous les matches et qu’ils soulèvent la Coupe. Et puis ils ont joué contre l’Italie, c’était un match incroyable, et ils ont perdu 3-2. Eliminés de la Coupe du Monde.
C’est la dernière fois que j’ai pleuré à cause d’un match de foot.
J’avais 8 ans.
Le Plus Grand Joueur de Football de L’Histoire de Brest
Roberto Cabanas
La légende vivante. Né au Paraguay en 61, acheté très jeune par le Cosmos de New York, où il joue aux côtés de Beckenbauer et devient meilleur buteur de la défunte ligue pro américaine. Cliquez ici et admirez le travail. Il passe ensuite trois saisons à l’America Cali, en Colombie, et devient la star de l’équipe, la menant à trois finales consécutives de Copa Libertadores.
Et c’est alors que Roberto va faire son apparition dans ma vie.
Saison 87-88. Brest souffre le martyre en D1. L’équipe n’est tout simplement pas assez bonne. Il lui faut un vrai joueur de foot. Ne me demandez pas comment, mais le bon président Yvinec a déniché la perle rare en Amérique du sud.
Nous sommes en novembre, et les journaux annoncent déjà la venue du sauveur. Seul problème, les Colombiens ne veulent plus le lâcher. Yvinec fait le déplacement pour trouver un arrangement, et alors qu’on croit que tout va se régler, l’affaire se complique encore. On nous dit que Cabanas veut partir, mais que les Colombiens l’ont mis sous bonne garde. De folles rumeurs circulent, on parle de « séquestration » d’Yvinec et de son interprète par les trafiquants de drogue qui dirigent le club (rappelez-vous, c’est la Colombie des années 80), tandis que les choses s’éternisent. On apprendra plus tard que l’interprète était aussi la maîtresse d’Yvinec, ce qui m’amène à m’interroger sur les conditions de la « séquestration ». Mais la bonne nouvelle finit par arriver : « Ils sont libres ! »
Après des semaines d’une affaire qui a mis en émoi tout une ville, l’avion ramenant Cabanas se pose sur l’aéroport de Brest-Guipavas. Nous sommes le samedi 19 décembre 1987. Je peux en parler, j’y étais. Je peux parler de la foule et des cris de joie. Inouï. Roberto n’a eu qu’à poser le pied en terre brestoise, et il était déjà un héros. (NB : tous les évènements rapportés à partir de maintenant figurent sur la mythique cassette VHS « La Fabuleuse Histoire du Foot à Brest », avec bien évidemment Roberto en couverture. Vous ne l’avez pas ? Dommage, car elle est totalement introuvable aujourd’hui. Et, non, je ne la vends pas.) Et comme si cette journée n’était pas déjà assez belle, le soir même, Brest bat Marseille, 2-1, avec Roberto dans les tribunes. Vous parlez d’une arrivée en fanfare.
Malheureusement, l’euphorie sera de courte durée, car la Ligue, dans sa bêtise insondable, n’autorise pas Cabanas à jouer avant le 1er juillet (je n’arrive toujours pas à croire comment cela a pu arriver. Plus de 6 mois avant d’être qualifié ! Ils nous ont privé de 6 mois de Roberto ! Mais justice a finalement été faite : Jean Sadoul pourrit en enfer depuis déjà un bon moment. J’espère qu’il y souffrira pour l’éternité) et Brest descend finalement en D2. Roberto y fait des merveilles, accompagné par Binic (futur membre de l’équipe de l’Etoile Rouge vainqueur de Marseille en finale de la Coupe d’Europe, ce qui mérite bien une mention dans le Panthéon) et porte l’équipe jusqu’aux barrages. A ce propos la Ligue devrait songer à remettre ce système insensé au goût du jour. C’étaient les matches les plus acharnés que l’on puisse imaginer, une question de vie ou de mort. Sérieusement, Canal+ devrait exiger le retour des barrages. Ne me dites pas que vous ne regarderiez pas un Caen-Ajaccio ou un Sochaux-Créteil décisif pour une place en Ligue 1.
Bon, revenons à notre sujet. Cette année-là, donc, après avoir sorti Le Havre et Nîmes, Strasbourg se dressait en dernier rempart sur la route de Brest vers la D1. Le 2-2 en Alsace était un bon résultat (je me rappelle le stress en écoutant la radio), restait à conclure à domicile. Et là, dans un stade Francis-Le-Blé plein à craquer (façon Heysel), c’est Roberto qui marque l’unique but du match et qui envoie Brest en D1… Le terrain est envahi, Roberto porté en triomphe. Enfin nous allions retrouver notre place. La folie du transfert de Cabanas était définitivement justifiée.
Sa seule et unique saison dans l’élite avec Brest (il fut ensuite transféré à Lyon) fut remplie de grands moments. La victoire contre Bordeaux, par exemple, ou ce match contre Metz où il évite le but d’un retourné acrobatique sur la ligne avant de nous donner la victoire quelques minutes plus tard. Les portes du Panthéon lui étaient d’ores et déjà grandes ouvertes, et puis est arrivé LE match.
Quand Marseille se pointe avec ses stars à Brest, le 24 mars 1990, la tension est énorme. En plus de l'évènement constitué par le mathc en lui-même, la presse s’est fait l’écho dans la semaine d’une tentative de corruption sur la personne de Roberto (des accusations sans fondement, bien sûr. L’histoire marseillaise future le prouvera amplement, s’il en était besoin). Comme si j’avais besoin de ça pour vouloir à tout prix les battre.
Ce samedi soir, le stade est rempli dans des proportions strasbourgeoises, et je me tiens debout dans ma tribune habituelle, prêt à exulter. Mais Marseille ouvre très vite le score par Bruno Germain. Catastrophe. Abattement, colère, envie de gueuler encore plus fort, l’angoisse monte d’un cran mais je ne veux toujours pas envisager le pire car non, Marseille ne peut pas venir gagner chez nous.
Oh non, ils ne peuvent pas le faire : Roberto égalise ! Castaneda s’est troué, et les Marseillais ne vont pas s’en remettre. Car Brest se met à y croire, pousse, et quelques minutes plus tard (nous sommes toujours en première mi-temps) obtient un bon coup-franc aux vingt mètres. Roberto a marqué du même endroit un mois plus tôt contre Bordeaux. Le stade entier le sait. Il va le refaire. Je ne tiens plus en place : « Allez, Roberto, mets-là, nom de D… » Et Cabanas s’élance, frappe dans le ballon…
Ai-je encore besoin de vous dire ce qui est arrivé ? Je ne crois pas avoir jamais crié plus fort ni sauté plus haut. Je n’essaierai même pas de décrire l’ambiance au moment où la balle est entrée dans la lucarne. A dire vrai, je suis en train de taper ces mots dans un brouillard de larmes. J’ai besoin d’un instant pour reprendre mes esprits.
Bien. Je vais tenter de poursuivre.
Brest tiendra ensuite toute la seconde mi-temps, Marseille perdra ses nerfs et Papin se fera même expulser dans le délire général pour un mauvais coup en fin de match. Le triomphe est total. Encore une fois, nous avons battu Marseille, et c’est Roberto qui l’a fait. Mes pieds ne vont plus toucher le sol pendant des semaines. (Notez que même les plus belles histoires ont aussi leur part d'ombre. J'ai en effet assisté à ce match historique en compagnie d'un de mes cousins alors enthousiaste mais qui, quelques années plus tard, se révèlera être un fan de Marseille. Même si je pense être capable de lui pardonner un jour, c'est le genre de trahison qui fait mal. Et toute ma vie cette question restera en suspens: était-il sincère ce soir-là?)
Je sais que je ne vivrai jamais un autre match comme celui-là. C'est le zénith absolu de ma vie de fan. Certains diront que c’est pathétique, ils parleront de titres ou de coupes, je leur répondrai juste qu’ils ne comprennent rien.
Je n’échangerais cette victoire contre aucune breloque.
Et Roberto est à jamais un héros.
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