J’en ai pleinement conscience, ce blog peut souvent paraître obscur aux non-initiés; la moitié du temps, les gens n’ont pas la moindre idée de ce dont je parle.
Et dès lors qu’il s’agit de fantasy, alors là, c’est le sauve-qui-peut.
C’est pourquoi j’aime autant vous prévenir tout de suite : soit vous n’en avez rien à foutre, et là je vous conseille de fermer immédiatement cette fenêtre et de retourner sur lachainemeteo.com.
Soit vous êtes quelqu’un de curieux avec du temps à perdre et vous voulez comprendre de quoi il s’agit, et dans ce cas je vous propose de découvrir une des 2 ou 3 plus belles expériences qu’un accro à Internet peut vivre : une Fantasy Live Draft Online.
Croyez-moi, c’est encore plus vivant que ça en a l’air.
NB: pour vous prouver que je ne raconte pas de bêtises, voici le lien vers la ligue et les résultats de la draft.
Samedi, 18h55 : il y a des tas de grands moments dans une saison de fantasy, mais voici mon favori: allumer son PC, s'asseoir et sentir la draft qui approche. 24 semaines de compétition intense sont en vue.
18h57: un minimum d'organisation est requis avant de se lancer. On a beau croire s'y connaître, on a vite fait de perdre le fil et de faire n'importe quoi passé le 3ème tour. Je commence donc par ouvrir 2 fenêtres sur mon portable: la première sur le Draft Day Manifesto de Matthew Berry, la seconde sur la Fantasy Hoops cheat sheet de Bill Simmons. J'ai une confiance absolue en ces deux types pour tout ce qui concerne la fantasy. Et, en toute honnêteté, pour tout le reste aussi.
18h59: mais comme j'aime aussi avoir ma propre opinion et prendre mes décisions tout seul comme un grand, j'ai aussi confectionné ma propre « cheatsheet »: un tableau Excel avec plus de 300 noms de joueurs classés par poste. Un vrai travail de nerd.
19h01: et oui, je suis capable d'identifier 300 joueurs de basket et de les classer en terme de fantasy value. Qu'est-ce que cela révèle sur moi? Que j'ai une bonne mémoire.
19h03: puisqu'on en est là, voici mon top 12 pour cette saison (largement consensuel, il faut l'avouer): Kevin Garnett, Kobe Bryant, LeBron James, Gilbert Arenas, Dirk Nowitzki, Shawn Marion, Steve Nash, Amaré Stoudemire, Yao Ming , Jason Kidd, Tim Duncan, Chris Paul.
19h04: connexion sur le site, léger suspense avant de connaître ma position. Verdict: 5ème choix. Je ne vais pas me plaindre. Ce serait trop long de vous expliquer pourquoi. Et puis ça n'est pas vraiment mon truc.
19h06: un des plaisirs de la fantasy, trouver un nom pour son équipe. De préférence quelque chose de spirituel, qui puisse vous représenter et qui soit suffisamment offensant pour les autres sans pour autant tomber dans l'insulte. Et puisqu'on est chez Yahoo, qui ne dépasse pas les 20 caractères. Voyons voir... Tant pis, je n'ai plus le temps, je vais devoir reprendre une idée de l'année dernière: Beat Me I'm French.
19h09: tout devrait bien se passer du moment que je ne tombe pas de sommeil sur mon clavier. Une leçon à retenir: ne jamais programmer de draft au lendemain d'une sortie en boîte pour célibataires désespérées dont la moyenne d'âge avoisine les 45 ans. Précision importante, je traînais avec des gens plus jeunes et j'ai réussi à garder ma dignité jusqu'au bout de la nuit.
19h13: ne pas oublier que cette ligue fonctionne suivant le système Rotisserie (sur l'origine du terme, cliquez ici), qui requiert patience et stratégie à long terme, à la différence du système Head-to-Head, plus aléatoire et basé sur la réactivité des owners. Le baseball est parfait pour la Rotisserie, le football pour H2H, mais les deux systèmes marchent aussi bien avec le basket.
19h15: il faut que je fasse mieux que pour ma première saison de roto l'an passé. J'avais fini deuxième. Grrr...
19h20: si vous voulez des prédictions pour la vraie saison NBA, il va falloir patienter. J'ai d'abord besoin de trouver une raison pour ne pas pronostiquer un nouveau titre pour les Spurs.
19h24: qui vais-je choisir au premier tour? Bah, avec le 5ème choix, je ne peux pas me planter. Comme le dit l'adage: You can't win your league in the first round, but you can lose it.
19h27: accompagnement musical: "Mirror Ball" de Neil Young, l'album de 95 enregistré avec Pearl Jam. Après des années d'oubli, il est au sommet de ma pile depuis trois ou quatre jours, même si j'ai parfois du mal à supporter les gémissements du loner. Cet album a si bien vieilli (bien mieux que toute la discographie de Pearl Jam, c'est certain), il est si consistant, je crois pouvoir dire que c'est un chef d'oeuvre.
19h28: une seule stratégie: l'attaque. Un seul objectif: la victoire.
19h29: le chronomètre s'égraine. Je sens monter l'excitation des autres blaireaux de l'autre côté de l'Atlantique à travers les cables téléphoniques.
19h30: Gilbert Arenas. J'ai dû réfléchir un millième de seconde. Je n'ai pas oublié de quelle façon il a porté sur ses épaules une de mes équipes la saison dernière, avant de se blesser et de tuer tous mes espoirs de titre. Ça n'arrivera pas deux années de suite, non?
19h33: ce qui est génial avec ces drafts, c'est qu'on peut « chatter » en continu avec les autres joueurs. Enfin, si on en a envie.
19h35: Paul Pierce. Jamais le sport pro (Patriots, Red Sox) ne s'est aussi bien porté à Boston, il faut tout miser sur les Celtics.
19h39: j'hésite une éternité, mes 90 secondes filent à toute vitesse... Tant pis, ça sera Jermaine O'Neal. Les Pacers n'ont que lui, si je me souviens bien.
19h40: c'était une bonne idée, le type qui drafte après moi le voulait absolument et le fait savoir en disant des gros mots en anglais. Qu'est-ce qu'on se marre.
19h41: ce type a astucieusement appelé son équipe « screw jay mariotti », un peu comme si j'avais opté pour « nique thierry gilardi ». Si ça vous intéresse, vous pouvez voir et entendre Mariotti en cliquant ici.
19h43: à chacun son tour. J'avais repéré qu'Emaka Okafor était disponible, mais je viens de me le faire souffler. Donnez-moi Kirk Hinrich(prononcez Hein-rick) dans ce cas. Je sais qu'il y avait mieux à faire, mais c'est trop tard.
19h44: « I'm the ocean » se termine. Pas étonnant que j'aie du mal à me concentrer, c'est une chanson incroyable (téléchargez-là immédiatement). Et pas seulement parce qu'elle contient les paroles suivantes: « they play baseball/they play football under lights/they play card games/and we watch them every night/need distraction/need romance and candlelight/need random violence/need entertainment tonight » Plutôt approprié à la situation, je trouve.
19h46: David West. Ce choix rattrape un peu le précédent. Quoique West est connu pour la fragilité de ses articulations: coude, genou, cheville, tout y passe avec lui.
19h50: j'hésite entre 2 joueurs surévalués parce qu'ils ont dépassé toutes les attentes l'an passé, Mo Williams et Mehmet Okur. Lequel sera le moins décevant en 2007/2008? Euh, Mo, j'espère.. Mais je sens que ma lucidité s'évanouit peu à peu.
19h55: c'est confirmé, je fais n'importe quoi. Randy Foye. Encore un PG... Il y a deux solutions: soit c'est le pire choix de l'histoire de la fantasy, soit c'est un coup de génie. Et vu ce que je sais de Foye...
19h56: j'ai besoin d'un pivot. Les mecs, vous seriez sympas de m'en laisser un correct pour mon prochain choix, genre Dalembert ou Biedrins. Merci d'avance.
19h57: suffisait d'en parler, les deux viennent d'être pris. Un destin horrible m'attend, celui de me retrouver avec Andrew Bogut ou Chris Kaman comme pivot titulaire.
20h01: et voilà. Chris Kaman. Au secours. Mais j'imagine que je n'ai que ce que je mérite.
20h05: mes adversaires ont l'air de connaître leur NBA sur le bout des doigts. Les voilà qui discutent de Brad Miller qui aurait perdu 25 livres. Comme si ça allait changer quelque chose. Ce mec est fini.
20h07: neuvième tour, enfin un choix correct avec Kyle Korver pour les 3 pts et l'adresse aux lancers francs. Vous serez aussi contents d'apprendre que Korver est le sosie d'Ashton Kutcher. Ouais, cet acteur minable qui s’est marié avec Demi Moore, mais qui n’a jamais marqué de points pour mon équipe de fantasy. Ni pour aucune autre, d’ailleurs.
20h08: cool, je viens encore d’énerver quelqu’un en lui piquant un joueur ! Une fois encore, c’est une des joies de la fantasy : n’avoir aucune pitié pour l’adversaire.
20h09: il fallait que quelqu’un le fasse : Eddy Curry, 110ème choix de la draft. Le pivot enveloppé des Knicks tourne peut-être à 20 points par match, mais il ne fait rien d’autre. N’importe quel expert vous le dira : Don’t draft Curry, he will kill your team !
20h11: et dans la foulée, 112ème choix, Elton Brand! Grand joueur, rien à dire, mais combien de points va-t-il rapporter à son owner avec un tendon d’Achille sectionné ?
20h13: c’est bien joli, mais c’est à moi de drafter… et je ne sais plus ce que je fais. Mon Dieu, est-ce que je viens vraiment de prendre Luis Scola, le rookie argentin de 28 ans qui a signé avec les Rockets ? Je crois que je vais m'évanouir.
20h20: 11ème tour, ça devient franchement horrible. Et c’est dans ces moments-là que l’on se persuade de choses aussi improbables que 10 points/10 rebonds par match pour Nick Collison cette saison.
20h22: fin de l'album sur « Fallen Angel », qui reprend le thème de « I'm the ocean ». Voilà ce qui est tuant avec Neil Young: il n'a besoin que de 75 secondes pour vous briser le coeur avec un air qui ne paye pas de mine.
20h23: quelqu’un tente le coup avec le 131ème choix pour Shaq. C’est quand même triste de vieillir. En 2002, il serait parti dans le top 5.
20h25: Jose Calderon. Deux bonnes raisons d’être content de ce choix : un, ça faisait 4 tours que je n’avais pas pris un meneur de jeu. Et deux, je pense que mes adversaires américains ont tendance à sous-estimer gravement cet Espagnol.
20h29: Ruben Patterson. En toute hypothèse, voilà un joueur qui pourrait profiter de la blessure d’Elton Brand pour être un nice roto contributor, comme dirait l’autre. En attendant, il ne reste que deux tours, et il est temps que je repère quelques sleepers (traduction : jeunes joueurs avec du potentiel dont on pense qu’ils pourraient exploser et faire la différence pour son équipe, à ne drafter que tard et quand on pense avoir déjà des fondations solides)
20h30: ça devenait glauque sans aucun bruit dans la pièce, alors j'ai attrapé un CD dans ma pile: « Aja » par Steely Dan. Ce disque n'aurait jamais dû se retrouver dans ma collection, et ça aurait été dommage. Je pourrais écouter « Black Cow » toute la journée rien que pour m'imaginer à la fin des seventies dans un bar chicos à siroter un cocktail.
20h31: je chante: In the corner/Of my eye/I saw you in Rudy's/You were very high/You were high/It was a cryin' disgrace/They saw your face.
On the counter/By your keys/Was a book of numbers/And your remedies/One of these/Surely will screen out the sorrow/But where are you tomorrow?
I can't cry anymore/While you run around/Break away/Just when it/Seems so clear/That it's/Over now/Drink your big black cow/And get out of here.
20h32: je remets le nez dans la draft, et c’est l’hémorragie des sleepers que je voulais: Corey Brewer, Ty Thomas et Jason Maxiell viennent de disparaître de l’écran. Je me précipite vers la liste de Simmons : il a toujours prétendu que la NBA était son sport favori, et il va falloir que je lui fasse confiance.
20h34: c’est trop injuste : les sleepers continuent de filer et j’ai 90 secondes pour me décider alors que retentissent les cuivres du final de « Black Cow ».
20h35: Jorge Garbajosa. Il va falloir que je songe à rebaptiser mon équipe Beat me I’m Spanish.
20h38: dernier tour, le moment ou jamais pour prendre un énorme risque avec Kyle Lowry. Au vu de la réaction d’un des ricains encore vivant à ce stade de la draft (if he starts, he’ll be a monster), ce sera peut-être le jackpot. L’espoir fait vivre.
20h40: au revoir tout le monde, c’est l’heure du bilan. Et qu’ai-je sous les yeux ? Une équipe qui devrait dominer dans 3 catégories (FT%, 3PT et STL), être honnête dans 2 (PTS et AST), avoir du mal dans 3 autres (FG%, REB et BLK) et être carrément catastrophique dans la dernière (TO). Autrement dit, et même si les choses peuvent évoluer et que rien n'est fixé dans le monde de la fantasy (rappelez-vous, elle se base sur la vie réelle), pas une équipe de vainqueur. Je crois qu'il ne me reste plus qu'à fredonner ce refrain avec Donald Fagen:
They got a name for the winners in the world/I want a name when I lose/They call Alabama the Crimson Tide/Call me Deacon Blues.
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