29 mai 2006

L'usure du pneu avant-gauche

Idéal pour la sieste du dimanche après-midi: le Grand Prix de Formule 1!
Selon les sources, TF1 paierait 25M d'euros par an pour la F1, soit beaucoup plus cher que pour une intégrale de Derrick, dont les vertus soporifiques ne sont plus à démontrer, et qui offrirait à peu près autant de suspense que vingt voitures tournant pendant deux heures sur un circuit.
Les audiences sont bonnes, nous dit-on. Peut-être, mais c'est parce qu'après avoir suivi le départ de la course dans l'espoir qu'une voiture s'empale dans une autre, la plupart des téléspectateurs s'endorment profondément sans avoir eu le temps d'atteindre la télécommande. Les conséquences sont minimes: au réveil, la course est finie, et si l'on se demande ce que l'on a manqué, la réponse est simple: rien. 99 fois sur 100, la voiture en tête au premier virage l'est aussi à l'arrivée.
Pourtant, pendant la sieste, pas moins de quatre commentateurs tentent de faire vibrer les foules au spectacle de bolides dont on change les roues. Et quatre, c'est effectivement le minimum quand il faut trouver quelque chose à dire entre chaque passage au stand.
Et cela donne à peu près ceci:
"Alonso a repris trois centièmes à Raikonnen dans le premier secteur! - Il faut savoir que les prises d'air sur la Ferrari ont été modifiées après les essais. - Encore un tour, peut-être deux avant le ravitaillement pour Schumacher. - Les pneus Michelin sont un peu plus durs que les Bridgestone. - Les ingénieurs de chez Honda ont beaucoup travaillé sur la puissance du moteur cette semaine. - Regardez comme le pneu avant-gauche de Montoya est usé! - Alonso a demandé au stand que l'on modifie l'inclinaison de son aileron avant de quelques millimètres. - C'est toujours délicat de dépasser les attardés. - A 5 tours de l'arrivée, Alonso a course gagnée!"
Au fond, ils ont beaucoup de mérite. Quand l'immense majorité du public ne rêve que de dépassements à répétition et SURTOUT d'accidents spectaculaires, il faut le tenir en haleine avec des centièmes de secondes et des pneus qui s'usent plus vite que d'autres.
Ne reste donc que la vieille ficelle: réveiller les ardeurs patriotiques, faire marcher à fond le bon vieux chauvinisme.
Hélas, là encore, faute de pilote français digne de ce nom, il faut se rabattre sur Renault (ou pire encore: Michelin. Allez les pneus?), et louer à longueur de Grand Prix le "formidable travail des ingénieurs Renault", la "fiabilité du moteur Renault" ou la "capacité de Renault à réaliser les ajustements nécessaires".
Mais, s'il y a de quoi rester pantois face à la célébration ininterrompue d'une marque de bagnole par les commentateurs, ce sont ces énigmes encore irrésolues qui font peur : Existe-t-il des supporters de Renault? Des fans de Renault? Peut-on imaginer des amoureux de la "marque au losange" regardant le Grand Prix avec une écharpe jaune et bleue autour du cou? Au lendemain d'une victoire, ces types-là sont-ils fiers d'aller au boulot en Mégane ou de conduire les enfants à l'école en Scenic?
Je préfère rester dans l'ignorance.

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