Ce sont des chaussures qui ont importé la NBA en France.
Au début des années 90, Nike vend des millions de "Air Jordan", et soudain les français se mettent à se demander: "Mais qui c'est ce Jordan?" Un basketteur. Un bon? Plutôt pas mal.
Oh, bien sûr, ça n'est pas précisément un raz-de-marée, mais entre Canal+ et les magazines spécialisés, la NBA devient à cette époque enfin accessible pour les amateurs d'un sport vraiment professionnel, parfaitement organisé, spectaculaire et plein de stars aux noms qui sonnent bien, comme Kevin Johnson.
C'est alors que vint la Dream Team, balayant tout sur son passage aux J.O. de 92 et révélant au monde que le basket pouvait être marrant à regarder.
L'apprentissage n'en reste pas moins difficile, temoin Bernard Père(RIP) qui, chargé on ne sait trop pourquoi par France 2 de commenter la plus grande attraction des jeux (ils devaient croire que c'était le fleuret féminin par équipe), appelera Clyde Drexler "Dexter" et Charles Barkley "Bradley" pendant toute une partie. Ses fiches "canoë bi-place" étaient sans doute plus à jour.
La vogue du "basket américain" culminera ensuite avec la première retraite de Jordan en 93 (journal de 20h sur TF1), pour s'arrêter presque aussitôt après (rien ou presque sur son retour triomphal en 95).
C'est que, voyez-vous, l'Amérique c'est loin, et puis, où étaient les français? Pas de héros tricolore à célébrer, pas de "basket américain". Abonnez-vous à Canal+ (déjà fait).
Et le premier français est arrivé. Le 11 novembre 97.
Tony P. ? Pas du tout.
C'est l'apostat Olivier Saint-Jean, alias Tariq Abdul-Wahad, qui ce jour-là est devenu avec les Kings de Sacramento le premier français à jamais fouler un parquet de NBA.
Las, un sale caractère, des transferts multiples, un jeu peu attractif, un contrat inique qui le rendra riche mais aussi intransférable, une blessure interminable et des déclarations aussi intelligentes que celles qu'il fera en faveur du port du voile à l'école (ah, ces convertis...) auront rapidement raison du tout petit début d'engouement pour ce joueur. (pour info, Olivier/Tariq n'a pas joué un match de basket depuis 3 ans. Il a 31 ans.)
Pendant ce temps, en France, l'interêt pour la NBA n'en finit plus de chuter, Jordan est parti pour de bon(enfin, c'est ce qu'on croyait), la saison 99 est pourrie par le lock-out et le nouveau maître de la ligue s'appelle Shaq (très marrant, sauf quand il joue.)
Canal a-t-il douté? Je parie que oui. Jordan leur a sauvé la mise en revenant une fois de plus (je crois me souvenir que Washington était programmé toutes les semaines, à l'époque), mais ils avaient vraiment besoin de renouveller leur public.
Et qui aurait misé sur Tony P. ?
Quand San Antonio le drafte en 2001 (28ème, un coup de génie) à seulement 19 ans, tout le monde croie qu'il va végéter encore un an ou deux en France pour "mûrir", avant d'éventuellement franchir l'Atlantique.
Mais Tony va exploser tout de suite, devenir "le plus jeune joueur à avoir jamais" dans d'innombrables catégories statistiques, gagner deux titres de champion, signer un énorme contrat (66 millions $ sur 6 ans), aller au All-Star Game, sortir un album de rap (je ne suis pas assez connaisseur pour juger de la qualité de son flow), et surtout larguer sa vieille copine moche pour s'afficher au bras d'une des actrices les plus chaudes de la télé américaine. Le tout en cinq saisons.
Et vous connaissez le plus beau?
Malgré son patronyme, son père américain, sa mère hollandaise et sa naissance en Belgique, Tony P. est français!
Les media ne mettront pas trop de temps à s'en rendre compte, Canal en premier, bien sûr, mais aussi la radio, les journaux, et même Stade 2 (il faut entendre Gérard Holtz prononcer "San Antonio Spurs").
Soudain, on redécouvre la NBA, mais avec un plaisir infiniment supérieur à celui que l'on pouvait prendre du temps où Jordan enchaînait les actions de légende : le plaisir d'être chauvin.
Quel bonheur de pouvoir annoncer que ce sont les "Spurs de Tony Parker" qui sont champions ! (entre nous, avoir été drafté par les Spurs est une des raisons majeures pour lesquelles la vie de Tony P. est si belle : drafté par Toronto ou Golden State, qui sait s'il n'aurait pas fini comme un vulgaire Jérôme Moïso ? Non, peut-être pas quand même.)
Ne rien connaître au "basket américain" ne sera évidemment pas un obstacle pour tous les journalistes qui vont se jeter sur le phénomène. Les quoi? Les "demi-finales de Conférence Ouest"? Au quoi ? "Au meilleur des sept matches"? Et Tony Parker, il a gagné?
Amis lecteurs, vous qui avez lu mes posts sur le foot, vous subodorez sans doute la suite: il n'a écrit tout ça que pour dire qu'il le déteste.
Je ne vais pas vous mentir. J'ai été tenté.
Pendant les dernières finales, par exemple, j'avais clairement choisi mon camp: Detroit plutôt que San Antonio. En partie à cause de Tony P.
C'est qu'il était à deux doigts pour moi d'atteindre le "statut Thierry Henry", le stade où un sportif trop doué et trop victorieux devient à ce point adulé par la presse que je me mets à le détester de tout mon coeur (quand le joueur adulé n'est même pas talentueux, il atteint le "statut Didier Deschamps").
Mais je n'ai pas pu. Même si on en fait trop à son sujet, et George Eddy lui-même l'a reconnu (ah, George, si au jour du Jugement Dernier j'ai le droit de sauver un journaliste, ce sera toi), Tony P. est trop cool. Avec mes antécédents, je devrais le détester, mais je n'y arrive pas.
Et si je ne serai jamais un fan, au moins je continuerai à apprécier ses paniers en pénétration (parce que pour ce qui est des shoots à mi-distance et de la défense, c'est pas pour critiquer, mais y a du boulot, Tony), et à aimer l'entendre frimer en interview. Tu vois?
NB: il était temps pour moi d'écrire ce post parce que les Spurs sont en grand danger de perdre leur titre dès cette nuit. D'ailleurs, allez Dallas.
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